Dans le fonctionnement du cerveau, les neurones, qui représentent la moitié des cellules, ont toujours eu la part belle alors que les cellules gliales, les cellules qui composent l’autre moitié, n’ont jamais bénéficié, au moins jusqu’à un passé récent, de la même considération. Et pourtant, ces cellules, cette « glue » qui n’en est pas vraiment une, sont indispensables au fonctionnement des neurones et à l’activité cérébrale.
Depuis les années 70, de nombreuses études consacrées à la glie ont été réalisées, montrant ainsi les nombreuses facettes et la complexité de son rôle. Le Dossier de ce numéro 67 se focalise sur deux grandes familles de cellules gliales, les astrocytes et les épendymocytes sur lesquels il y a déjà beaucoup à dire. Nous avons laissé de côté les oligodendrocytes, ces artisans de la myéline, auxquels le dossier du numéro 58 était pleinement consacré. Nous ne prétendons pas être exhaustif, un numéro entier n’y suffirait pas, mais nous avons retenu les domaines qui nous semblaient les plus représentatifs du rôle de ces cellules. A commencer par celui dans la transmission synaptique, un ménage à trois efficace et bien réussi au sein duquel les astrocytes renforcent l’efficacité des connexions entre les neurones. Vous verrez également comment les astrocytes régulent le métabolisme cérébral et l’expression des rythmes circadiens, mais aussi comment les épendymocytes, judicieusement situés à l’interface entre le système nerveux et le système vasculaire, interviennent dans la régulation du métabolisme de l’organisme entier. Vous découvrirez le rôle des Olfactory Ensheathing Cells (OEC) ou cellules olfactives engainantes, une catégorie spécifique d’astrocytes, dans le guidage des neurones pendant leur migration au cours du développement. Vous lirez également que les cellules gliales sont mises en cause dans différentes pathologies cérébrales, chez l’adulte et au cours du développement notamment chez les prématurés. Les tumeurs les plus fréquentes du cerveau, les gliomes, sont issues de la prolifération anarchique de cellules gliales et vous découvrirez leur extraordinaire hétérogénéité et la complexité de leur interaction avec les neurones environnants. La plasticité fonctionnelle des cellules gliales est l’une de leurs propriétés intéressantes et vous découvrirez comment ces cellules peuvent être reprogrammées en neurones, suscitant de nouveaux espoirs pour remplacer les neurones détruits lors d’atteintes physiques ou dans les maladies neurodégénératives. Un dossier riche et passionnant, à lire sans attendre.
Comme d’habitude vous aurez la possibilité de voyager dans le temps avec l’article de Jean-Gaël Barbara d’Histoire des Neurosciences. Cette fois-ci le voyage est teinté de géopolitique et nous plonge au cœur des relations franco-russes autour des travaux de Pavlov, au début du 20e siècle. Vous découvrirez la place importante des chercheurs français dans ces échanges et dans l’émergence des neurosciences dans les années 60. Vous verrez comment les collaborations entre les scientifiques français et russes ont permis une certaine normalisation des relations entre les instituts de recherches des deux états. Un rôle de la science que nous avons peut-être trop tendance à sous-estimer à une époque où relations internationales sont de plus en plus tendues. Une tranche d’histoire à méditer que nous vous recommandons.
De relations il en est question dans les Nouveautés en Neurosciences avec le rôle de la médiation animale dans certains troubles psychiatriques. D’abord considéré comme une curiosité, la médiation animale est maintenant un réel sujet d’étude et les applications cliniques commencent à voir le jour. Marine Grandgeorge nous explique le rôle de l’animal, un chien le plus souvent, chez les patients avec TSA, dont la présence va améliorer la confiance et l’estime de soi, et entrainer une diminution de l’anxiété et des symptômes dépressifs. Les premières analyses physiologiques montrent l’impact des interactions patient-animal sur les taux plasmatiques du cortisol, de la fréquence cardiaque. Marine Grandgeorge nous explique aussi que la médiation animale nous apporte également des éléments de compréhension du TSA : alors que la zone des yeux est systématiquement évitée par les patients atteint de TSA lors de l’exploration d’un visage humain, cette zone redevient systématiquement explorée dans le cas d’un visage animal. La médiation animale permettra peut-être ainsi d’améliorer la compréhension des différentes facettes des TSA.
Dans la Tribune Libre, Daniele Schön et ses collègues nous livrent leurs réflexions sur un sujet très actuel, la place des neurosciences face à la crise climatique. Ils nous expliquent que, même si la recherche scientifique est porteuse d’espoir pour combattre les dérèglements du climat, elle a aussi un impact non négligeable sur notre environnement, en raison notamment des techniques développées et de l’évolution des pratiques de la recherche. Ils font le parallèle entre la croissance économique, celle des taux de CO2 atmosphérique et l’évolution du nombre de contrats de recherches et de publications. Cette tribune nous invite à porter un regard critique sur nos pratiques, à ne pas céder à la course technologique et à mieux appréhender nos problèmes de recherches par une approche multidisciplinaire, incluant l’anthropologie et la philosophie. Une tribune au cœur de l’actualité.
A lire également l’article de Simon Thorpe, lauréat de la Lecture Alfred Fessard 2024, à propos de neurosciences et d’intelligence artificielle ; il nous explique ce que peut apprendre l'intelligence artificielle de la manière dont le cerveau calcule afin d’être plus efficace, notamment en minimisant le nombre de calculs pour être moins énergivore. Un sujet d’actualité sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
Dans ce numéro également, François Tronche et Armelle Rancillac nous dressent le bilan de la dernière Semaine du Cerveau. Nous espérons que le succès de l’édition 2024 vous donnera envie de participer à la 27e édition du 10 au 16 mars 2025. Nous vous le recommandons, c’est une expérience enrichissante et gratifiante avec un public avide de connaître nos travaux. Rejoignez dès maintenant les comités d’organisation en pleine préparation.
Nous vous rappelons que l’année prochaine sera celle du colloque biennal NeuroFrance, et nous vous invitons à nous retrouver à Montpellier, du 14 au 16 mai, pour découvrir les dernières avancées de la recherche en neurosciences. Toutes les informations sont sur la page du colloque. Venez nombreux !
Comme pour tous les numéros précédents, nous avons eu beaucoup de plaisir à réaliser cette Lettre, source d’échanges passionnants avec toutes celles et ceux que nous avons sollicités et nous espérons que vous en aurez tout autant à la lire. Nous vous rappelons que cette Lettre est aussi la vôtre et nous restons à l’écoute de vos commentaires et propositions. Nous terminerons en vous souhaitant de très belles fêtes de fin d’année et beaucoup de réussite dans vos projets, en neurosciences bien sûr, pour 2025.
Bonne lecture
Ont participé à ce numéro :
Serge Ahmed, Jean-Gaël Barbara, Alexandre Benani, Anne-Karine Bouzier-Sore, Philippe Ciofi, Marie D’Orange, Nicolas Dollion, Carole Escartin, Marie-Paule Felder-Schmittbuhl, Sarah Geller, Marine Grandgeorge, Christophe Heinrich, Ariane Heydari-Olya, Emmanuelle Huillard, Fanny Langlet, Julien Lefevre, Arnaud Leleu, Sébastien Lemerle, Rémi Magnin, Manuel Mercier, Sarah Mountadem, Aude Panatier, Luc Pellerin, Armelle Rancillac, Daniele Schön, Simon J. Thorpe, Manon Toutain, François Tronche, Juliette Van Steenwinckel, Rufin VanRullen
Réalisation
Société des Neurosciences