Dossier
Le point sur les cellules gliales et leurs perspectives prometteuses
Par Carine Cléren, Bénédicte Dehouck et Yves Tillet

La glie, étymologiquement « gluant », longtemps réduite à un rôle de soutien, était considérée comme le tissu d’emballage, la « colle » des neurones. Le ratio cellules gliales/neurones est proche de 1 dans le cerveau humain et l’on sait maintenant que les cellules gliales sont essentielles au fonctionnement des neurones, intervenant ainsi dans de nombreuses régulations.

Dans ce dossier nous faisons le point sur les diverses fonctions de différentes cellules gliales en conditions physiologiques et pathologiques. Nous n’avons pas traité des oligodendrocytes ni de la myéline, déjà abordés dans le numéro 58 de la Lettre.

La première partie de ce dossier est consacrée aux rôles physiologiques des cellules gliales.

Les astrocytes sont indispensables au bon fonctionnement de la synapse. Ainsi Sarah Mountadem et Aude Panatier soulignent le rôle prépondérant du prolongement astrocytaire périsynaptique dans la synapse tripartite régulant l’efficacité de la transmission synaptique ainsi que l’excitabilité neuronale, par le biais de gliotransmetteurs d’origine glycolytique. Produit par les astrocytes, le lactate est le substrat énergétique privilégié des neurones. Luc Pellerin, Anne-Karine Bouzier-Sore et Sarah Geller expliquent comment son rôle ne se limiterait pas à la fourniture d’énergie via la navette lactate astrocyte-neurone, et il aurait un rôle pléiotrope dans le cerveau (apprentissage, interactions sociales…). Marie-Paule Felder-Schmittbuhl décrit le rôle crucial des astrocytes dans le fonctionnement de la principale horloge biologique située dans l’hypothalamus, et celui des cellules gliales de Müller dans la rythmicité du premier oscillateur secondaire que constitue la rétine. L’ensemble contribuant aux grandes fonctions régulées par le cerveau (sommeil, humeur, métabolisme énergétique…). L’épendyme de l’hypothalamus joue un rôle clef dans la régulation centrale de la balance énergétique. Fanny Langlet nous décrit les mécanismes mis en jeu via deux types de cellules gliales idéalement situés à l’interface entre le liquide céphalorachidien, le tissu nerveux et la circulation sanguine : les cellules épendymaires cuboïdales et les tanycytes. Ces derniers étant pourvus d’une grande plasticité fonctionnelle. Les cellules olfactives engainantes sont un autre type de cellules gliales, propre au système olfactif principal et accessoire, elles possèdent une capacité unique à interagir avec les astrocytes. Sarah Geller nous explique comment, au sein de l’épithélium olfactif et voméronasal, ces cellules sont facilement accessibles et pourraient être utilisées pour de potentielles thérapies. En effet, elles présentent une grande hétérogénéité antigénique et fonctionnelle leur permettant d’assurer des rôles allant de la régulation de la neurogenèse et de la croissance axonale en lien avec la mise en place de l’axe gonadotrope, à la régénération et à la réparation axonale chez l’adulte.

La seconde partie de ce dossier est consacrée à l’implication des cellules gliales dans des processus pathologiques.

La microglie est impliquée dans l’encéphalopathie du prématuré, lésions cérébrales qui touchent un tiers des enfants nés avant 32 semaines d’aménorrhée et qui, dans 40% des cas, sont liées à une inflammation maternelle. Juliette Van Steenwinckel explique comment dans ce contexte, la microglie pro-inflammatoire participe aux lésions de la substance blanche et se désengage de ses fonctions développementales. Les recherches actuelles sur la modulation de la réactivité microgliale via des thérapies immunomodulatrices ciblées impliquant des microARN est présentée comme une perspective prometteuse aussi bien pour la prévention que pour le traitement des lésions de la substance blanche. Les astrocytes ont la capacité à détecter rapidement une gamme extrêmement large de stimuli témoignant d’une situation pathologique et d’y réagir de façon spécifique. Carole Escartin explique ainsi comment leur rôle peut varier en fonction du stade de la maladie, de la région cérébrale affectée et des facteurs environnementaux. Les astrocytes présentent alors une hétérogénéité moléculaire et fonctionnelle, et leur réponse à un même stimulus pourra être divergente selon les situations. Cette plasticité laisse imaginer des stratégies thérapeutiques ciblées visant à forcer les astrocytes à adopter un profil fonctionnel protecteur.  Les cellules gliales peuvent également être à l’origine de tumeurs, et Emmanuelle Huillard explique comment la dérégulation de leur développement aboutit à la formation de gliomes, des tumeurs complexes de natures très variées, souvent graves. Les cellules tumorales interagissent avec de multiples types cellulaires dans un environnement globalement immunosuppressif, favorable pour la tumeur. De plus, le degré de plasticité extrême des cellules tumorales explique la résistance notoire de ces tumeurs aux traitements. Des travaux actuels décrivant des interactions entre cellules tumorales et neurones apportent des clés de compréhension. Enfin, Marie D’Orange et Christophe Heinrich aborde les espoirs suscités par des démonstrations de l’impact thérapeutique de la reprogrammation directe (sans passer par l’état pluripotent) de cellules gliales en neurones « induits » dans des modèles animaux précliniques de pathologies cérébrales. Cet outil pourra-t-il permettre de palier le défaut de régénérescence cérébrale chez l’humain ?

Nous espérons que la lecture de ce dossier vous permettra d’avoir une vision très étendue des fonctions diverses réalisées par les cellules gliales, en conditions physiologique et pathologique, toujours en interaction étroite avec leur environnement.

Pour poursuivre cette lecture et tout connaître des recherches sur les cellules gliales et des équipes impliquées, sachez qu’il existe un « FRENCH GLIAL CELL CLUB », voir encadré ci-dessous.

Nous vous souhaitons une excellente lecture !

 

Le Club des Cellules Gliales (par Carole Escartin)

Au début des années 90, alors que la majorité des chercheurs se concentraient sur les neurones, un groupe de scientifiques étudiant les cellules gliales a réalisé que les neurones auraient été bien seuls sans leurs interactions avec ces cellules au sein du système nerveux. Pour encourager la recherche et la diffusion des connaissances sur ces cellules, la communauté de recherche française a décidé de se constituer en réseau et a lancé le Club Français des Cellules Gliales, une association reconnue d’intérêt général. Ce Club est aussi affilié à la Société des Neurosciences.

L’objectif du Club est de rassembler la communauté des chercheurs et étudiants travaillant sur tous les types de cellules gliales (astrocytes, microglies, oligodendrocytes, cellules de Schwann, tanycytes…), dans le système nerveux central et périphérique. Chaque année, le Club organise des événements scientifiques et sociaux. Son objectif est de promouvoir les collaborations au sein de la communauté scientifique travaillant sur les cellules gliales, tout en encourageant des interactions interdisciplinaires au-delà de ce domaine. L’une de ses priorités est d’aider les jeunes membres à assister et à participer activement à des conférences en présentant leurs recherches. Pour ce faire, plusieurs bourses de voyage ou prix sont accordés chaque année. Enfin, le Club a pour objectif de sensibiliser le grand public aux cellules gliales et participe à diverses actions dont la Semaine du Cerveau.

Notre club communique ses actions auprès de plus de 500 chercheurs et étudiants et a rassemblé plus de 150 personnes lors de son dernier colloque organisé en Octobre 2024.

N’hésitez pas à rejoindre cette communauté dynamique et à suivre nos activités ici :

https://frenchglialcellclub.fr/
https://www.linkedin.com/company/frenchglialcellclub
@glialclub.bsky.social

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