Poursuivons dans ce nouveau numéro de la Lettre l’exploration des différentes formes de conscience. Dans le premier volet nous avons abordé la conscience chez l’Humain, celle qui nous concerne et nous intrigue personnellement, mais nous n’avions pas tout dit et ce second volet va encore plus loin...
Vous découvrirez comment l’hypnose, et l’expérience de mort imminente avec les impressions de sortie de corps peuvent altérer et modifier nos états de conscience avec l’article de Charlotte Martial et Audrey Vanhaudenhuyse et celui de Loretxu Bergouignan. La méditation peut, elle aussi, modifier nos états de conscience, favoriser la sélection attentionnelle et réguler les émotions. Dans son article, Arnaud Poublan nous explique comment la méditation peut modifier les réactions émotionnelles en réponse à des stimuli aversifs. Ces observations permettent déjà d’envisager le recours à la méditation pour diminuer le ressenti de la douleur. Par ailleurs, il est un état, après un traumatisme et dans certaines pathologies, où la conscience est profondément altérée, c’est le coma. Béchir Jarraya et son groupe nous rapportent brièvement les récents progrès qu’ils ont obtenus avec la stimulation du nerf vague qui permet spécifiquement de réveiller instantanément des macaques profondément anesthésiés, dans un modèle de perte de conscience semblable au coma. Ce résultat pourrait bientôt constituer une piste thérapeutique chez les patients souffrant de troubles chroniques de la conscience.
Cette seconde partie du dossier aborde aussi l’exploration de la conscience chez des animaux dont l’organisation du système nerveux va du plus simple au plus complexe. Ces études modifient les représentations que nous avons de ces animaux et ont des conséquences directes sur les relations que nous pouvons avoir avec eux, et en premier lieu concernant leur utilisation dans le cadre de l’expérimentation et de l’élevage. Cependant cette exploration est compliquée car, contrairement aux humains, les animaux ne peuvent pas décrire verbalement s’ils ont conscience de leurs actions. Pour contourner cette difficulté, les chercheurs étudient les processus mentaux qui impliquent chez l’Humain un traitement conscient de l’information telle que la mémoire. La conscience est étudiée chez de nombreuses espèces depuis les invertébrés jusqu’aux mammifères. Chez les invertébrés, elle constitue un véritable défi, comme nous l’explique Ludovic Dickel avec les études principalement réalisées chez les insectes et les céphalopodes. Ces espèces sont capables de comportements extrêmement sophistiqués qui reposent sur des capacités cognitives remarquables. Christelle Jozet-Alves et Lisa Poncet explorent le rôle de la mémoire chez des animaux aussi différents que les seiches ou les oiseaux, et apportent des arguments montrant qu’ils sont capables d’effectuer des voyages mentaux conscients dans le temps, capacité que l’on a crue longtemps réservée aux seuls humains. Un peu plus loin dans l’arbre phylogénétique, Ludovic Calandreau et al. montrent que certains animaux comme les dauphins et des primates sont capables de prendre conscience de la difficulté d’un test de choix et d’évaluer leur propre capacité à le réaliser, une capacité là encore que l’on pensait typiquement humaine. Ce sont ces observations, la compréhension des états émotionnels et des capacités de mémoire, des éléments constitutifs de la conscience chez les animaux, qui ont conduit en 2012 six neurobiologistes à rédiger la déclaration de Cambridge, remettant en cause l’absence de conscience chez les animaux. Dix ans après l’avoir commentée dans les colonnes de la Lettre, Georges Chapouthier fait le point sur cette déclaration et sur ses conséquences.
Bonne lecture !