La différenciation des neurones pyramidaux du cortex cérébral est sous l’influence de modifications épigénétiques postnatales

Le cortex cérébral traite l’information sensorielle de notre environnement en activant les réseaux de neurones excitateurs et inhibiteurs interconnectés les uns avec les autres. Cela permet aux neurones pyramidaux de la couche V d’émettre une réponse motrice nécessaire à l’élaboration de nos émotions et de nos comportements. Ces neurones sont les principaux chefs d’orchestre du cerveau et transmettent des signaux électriques complexes à la moëlle épinière à travers le faisceau pyramidal ou à l’autre hémisphère cérébral grâce au corps calleux. Pendant l’embryogénèse, les régulateurs transcriptionels Ctip2 et Satb2 se répriment réciproquement en permettant le développement des deux populations de neurones pyramidaux, les sous-corticaux et les calleux.

En utilisant différents modèles de souris, nous avons constaté que juste après la naissance, le nombre de neurones pyramidaux qui co-expriment Ctip2 et Satb2 augmente progressivement  dans le cortex somatosensoriel. Ces neurones se distinguent par leurs propriétés moléculaires, morphologiques et électrophysiologiques en deux sous-classes principales, dont chacune communique avec ses cibles sous-corticales ou controlatérales. D’autres recherches que nous avons effectuées ont révélé que la présence du facteur épigénétique Lmo4 modifie structurellement la région d’ADN contenant le gène Ctip2. Ainsi, Satb2 ne peut plus réprimer Ctip2 dans la couche V et la co-expression des deux facteurs Satb2 et Ctip2 est alors favorisée.

Cette étude démontre que l’existence d’une grande variété de neurones pyramidaux dans le cortex cérébral des mammifères est sous le contrôle de mécanismes épigénétiques qui modifient, après la naissance, les processus biologiques nécessaires à la maturation des sous-classes de neurones corticaux. Le principal défi à l’avenir sera de déchiffrer tous les mécanismes de ce type et comprendre leurs fonctions non seulement pendant la formation de circuits neuronaux normaux mais aussi dans des maladies neurodéveloppementales, comme l’autisme ou la schizophrénie.

Référence:

Area-specific development of distinct neocortical neuron subclasses is regulated by postnatal epigenetic modifications

Harb K, Magrinelli E, Nicolas CS, Lukianets N, Frangeul L, Pietri M, Sun T, Sandoz G, Grammont F, Jabaudon D, Studer M, Alfano C.

Elife. 2016 Jan 27;5. pii: e09531. doi: 10.7554/eLife.09531.

Crédit photo : © Harb et al, eLife, 2016

 

de Clémence Fouquet 29.02.2016 à 10h19

Etude des réseaux neuronaux impliqués dans le comportement de fuite chez le poisson zèbre

Quels processus neuronaux sont en jeu lorsqu’un organisme détecte un danger avant de s’enfuir ? L’équipe de Filippo Del Bene (Equipe « Développement des circuits neuronaux », Inserm/CNRS/Institut Curie) a déchiffré le code neural sous-jacent chez des larves de Zebrafish grâce au suivi dynamique des activations des réseaux neuronaux chez l’animal entier par microscopie biophotonique et imagerie calcique. Ces résultats remarquables publiés dans Neuron permettent de modéliser comment le système nerveux de l’animal interprète les stimuli visuels pour déclencher une réponse motrice de fuite et échapper au danger potentiel.

Voir le communiqué de presse de l’Institut Curie.

Référence :

Neural Circuits Underlying Visually Evoked Escapes in Larval Zebrafish.
Dunn TW, Gebhardt C, Naumann EA, Riegler C, Ahrens MB, Engert F, Del Bene F.
Neuron. 2016 Feb 3;89(3):613-28. doi: 10.1016/j.neuron.2015.12.021.

Source image : Institut Curie/F. Del Bene

de Clémence Fouquet 18.02.2016 à 04h48

Acétylcholine et prise de décision

La curiosité n’est pas un « vilain » défaut chez les souris !

Quand un évènement inattendu surgit, il faut bien souvent agir, même si l’on ne maîtrise pas l’ensemble des conséquences. Selon des chercheurs du laboratoire Neurosciences Paris-Seine (CNRS/UPMC/Inserm)1, les souris se révèlent curieuses en situation d’incertitude : elles privilégient l’exploration de leur environnement afin de mieux l’appréhender. Allant plus loin, les scientifiques ont mis en évidence le rôle primordial joué par l’acétylcholine, un neurotransmetteur, dans la modulation de ces comportements. Ces travaux pourraient permettre de mieux comprendre certaines maladies psychiatriques. Ils ont été publiés le 18 janvier 2016 sur le site de la revue Nature neuroscience.

Lire la suite du communiqué de presse CNRS.

Nicotinic Receptors in the Ventral Tegmental Area promote Uncertainty-Seeking. J. Naudé, S. Tolu, M. Dongelmans, N. Torquet, S. Valverde, G. Rodriguez, S. Pons, U. Maskos, A. Mourot, F. Marti, P. Faure. Nature neuroscience. Mis en ligne le 18 janvier 2016.
DOI: 10.1038/nn.4223

Contacts
Chercheur CNRS – Philippe Faure – Tél. 01 44 27 39 40
Presse CNRS – Priscilla Dacher – Tél. 01 44 96 46 06

 

1 Le laboratoire fait partie de l’Institut de biologie Paris-Seine. Cette équipe a travaillé en collaboration avec une équipe de recherche CNRS/Institut Pasteur.

de Clémence Fouquet 08.02.2016 à 10h35

Infertilité : un mécanisme cérébral totalement inédit

Le plus fréquent des troubles de la fertilité féminine – le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) –  impliquerait la surexcitation de neurones cérébraux situés dans l’hypothalamus. La coupable serait une hormone bien connue, produite par les ovaires : l’hormone anti-Müllerienne (AMH). A la clef de cette découverte, de nouvelles pistes thérapeutiques. « L’une d’elles passe par le développement de molécules capables d’empêcher la liaison entre l’AMH et ses récepteurs sur les neurones à GnRH », conclut Paolo Giacobini (Laboratoire du développement et plasticité du cerveau neuroendocrine, Lille), auteur de cette étude, qui compte déposer un brevet pour protéger cette nouvelle approche.

Référence :

I. Cimino et coll., Novel role for anti-Müllerian hormone in the regulation of GnRH neuron excitability and hormone secretion. Nature Communications, DOI: 10.1038/ncomms10055, 2015.

En savoir plus :

Communiqué de presse Inserm

Crédit photo : © Cimino et al, Nature Communications, 2016

de Clémence Fouquet 20.01.2016 à 06h36

Schizophrénie: une nouvelle piste dans la compréhension des déficits de mémoire sociale

La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui se manifeste très souvent à l’âge adulte. Les symptômes les plus fréquents comprennent une altération des processus sensoriels et cognitifs et une altération profonde de la cognition sociale. Les mécanismes neurobiologiques sous-jacents restent inconnus. L’équipe de Rebecca Piskorowski et Vivien Chevaleyre au laboratoire de Physiologie cérébrale, en collaboration avec un laboratoire américain, a découvert le rôle crucial de certains neurones de l’hippocampe dans ces altérations de mémoire sociale. Ces recherches publiées dans la revue Neuron, ouvrent la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.

 

Référence :

Age-dependent specific changes in area CA2 of the hippocampus and social memory deficit in a mouse model of the 22q11.2 deletion syndrome.

Rebecca A. Piskorowski, Kaoutsar Nasrallah, Anastasia Diamantopoulo, Jun Mukai, Sami I. Hassan, Steven A. Siegelbaum, Joseph A. Gogos and Vivien Chevaleyre.

Neuron. Volume 89, Issue 1, p163–176

DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.neuron.2015.11.036

 

Contact chercheurs:
Rebecca Piskorowski, Vivien Chevaleyre
Equipe Plasticité Synaptique et Réseaux Neuronaux
Laboratoire de Physiologie cérébrale
CNRS UMR8118, Université Paris Descartes,
45 rue des Saints Pères
75006 Paris

 

Crédit photo : © Rebecca Piskorowski, Vivien Chevaleyre

de Clémence Fouquet 19.01.2016 à 04h19

Troubles de l’autisme: connexions défaillantes mise en cause

Des chercheurs du Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) viennent de montrer comment les connexions altérées entre cellules du système nerveux étaient impliquées dans le syndrome de l’X fragile, responsable de troubles du spectre autistique. A l’aide de l’IRM, Andreas Frick, chargé de recherche Inserm, et son équipe ont en effet observé, sur une souris modèle de ce syndrome, une altération des connexions et de la communication entre différentes zones du cerveau. Ces nouvelles données sont susceptibles d’expliquer certains symptômes des troubles du spectre autistique, tels que l’hypersensibilité aux informations sensorielles ou les altérations de la perception visuelle.

 

Lire la suite  :

Communiqué de presse de l’INSERM

 

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Science Advances : Sci Adv. 2015 Nov 20;1(10):e1500775

de Clémence Fouquet 18.01.2016 à 10h41

Localisation ultrasonore ultrarapide (uULM) : Une révolution pour l’imagerie cérébrale

Les capillaires sanguins jouent un rôle majeur pour le fonctionnement du cerveau. L’équipe de Mickael Tanter (ESPCI/Inserm/CNRS) rapporte dans la revue Nature comment il est possible de les observer chez le rat avec une résolution temporelle hors du commun à l’échelle microscopique grâce à une nouvelle méthode utilisant les ultrasons ultrarapides. La microscopie par localisation ultrasonore ultrarapide (uULM) représente une avancée cruciale pour aider la communauté des Neurosciences à mieux appréhender comment le système vasculaire collabore au fonctionnement normal du système nerveux et possiblement comment ses dysfonctionnements pourraient intervenir dans les maladies neurologiques.

Référence :

Ultrafast ultrasound localization microscopy for deep super-resolution vascular imaging.

Errico C, Pierre J, Pezet S, Desailly Y, Lenkei Z, Couture O, Tanter M.

Nature. 2015 Nov 26;527(7579):499-502. doi: 10.1038/nature16066.

 

Lien communiqué de presse ESPCI

Source image : ESPCI/Inserm/CNRS

de Clémence Fouquet 08.12.2015 à 05h37

Syndrome de Gilles de la Tourette : Les tics sont-ils une mauvaise habitude ?

Les tics sont les manifestations principales du syndrome de Gilles de la Tourette. La cause de leur survenue et de leur persistance demeure en grande partie un mystère. Des chercheurs viennent de démontrer que les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette forment davantage de comportements habituels que des sujets sains du même âge. Les tics pourraient ainsi être, au moins en partie, des actions apprises, qui se répètent à la manière de « mauvaises habitudes ». Ce travail est le fruit d’une collaboration entre des équipes de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Université d’Amsterdam et de l’Université de Cambridge. L’article a été publié le 22 octobre dans la revue Brain.
Le syndrome de Gilles de la Tourette est caractérisé par l’association de tics moteurs et vocaux. Les tics sont des fragments de comportements finalisés, par exemple des clignements d’yeux,qui sont effectués de façon répétée et inappropriée. En ce sens, les tics ressemblent à des mauvaises habitudes : des comportements routiniers qui sont effectués de manière automatique dans certaines situations malgré des conséquences négatives pour le sujet, comme par exemple se ronger les ongles.
La dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans les circuits de la récompense et qui favorise la formation de comportements habituels. Des réseaux neuronaux entre des régions sensorimotrices du cortex cérébral et des structures profondes du cerveau, les ganglions de la base, sont impliqués dans la genèse des habitudes. Des anomalies de ces mêmes structures, et une augmentation de la transmission dopaminergique ont été précédemment démontrées dans le syndrome de Gilles de la Tourette.
Dans l’étude, des patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette et des sujets sains ont été invités à réaliser un jeu informatique qui teste la formation des habitudes. Dans ce jeu, des images (stimuli) sont montrées successivement au sujet, qui doit apprendre au fil des essais sur quelle touche du clavier appuyer pour un stimulus donné. Cet apprentissage cherche à former chez le sujet une association entre chaque stimulus et la réponse qui lui est associée. Cet apprentissage est ensuite « dévalué » : on explique au sujet que certaines des réponses ne doivent plus être effectuées quand le stimulus associé est présenté. Des réponses qui persistent malgré la dévaluation sont considérées comme des réponses habituelles. Les résultats ont montré que les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette font davantage de réponses habituelles que les sujets sains. Les patients traités par des médicaments inhibant la dopamine ont moins de réponses habituelles que les patients non traités. Une IRM cérébrale étudiant la connectivité entre différentes régions cérébrales a confirmé l’implication de réseaux neuronaux reliant le cortex moteur et les ganglions de la base dans la formation des habitudes chez les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette.
Ces résultats nous éclairent sur les mécanismes à la base de la formation et de la persistance des tics, qui pourraient être en partie des comportements appris qui persistent de la même manière que des mauvaises habitudes.Des altérations des réseaux neuronaux connectant le cortex et les ganglions de la base, et une transmission dopaminergique accrue pourraient expliquer l’exacerbation de ces comportements habituels chez les patients avec un syndrome de Gilles de la Tourette. Ces résultats ont également des implications thérapeutiques intéressantes. En effet, les thérapies cognitivo-comportementales, qui sont un traitement reconnu dans le syndrome de Gilles de la Tourette, pourraient cibler spécifiquement cet apprentissage habituel anormal.

 

Référence :
Delorme C, Salvador A, Valabrègue R, Roze E, Palminteri S, Vidailhet M, et al.
Enhanced habit formation in Gilles de la Tourette syndrome.
Brain 2015: DOI: https://academic.oup.com/brain/article/139/2/605/1753685

de Clémence Fouquet 25.11.2015 à 11h30

Nouvelle cible pour la DMLA et la rétinopathie diabétique

Les maladies vasoprolifératives oculaires sont les principales sources de cécité dans le monde et touchent des millions de personnes. Ainsi, une croissance anormale des vaisseaux sanguins est observée dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA exsudative), la rétinopathie diabétique et la rétinopathie de la prématurité.

Depuis plusieurs années, diverses protéines nécessaires au développement normal ou pathologique des vaisseaux ont été isolées, dont le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF). L’injection intra-oculaire d’inhibiteurs du VEGF ou de ses récepteurs (Avastin, Lucentis…) est actuellement utilisée en clinique pour traiter la DMLA. Toutefois, certains patients ne répondent pas au traitement et d’autres y deviennent résistants. L’identification de nouveaux facteurs angiogéniques est donc primordiale à la mise au point d’approches thérapeutiques innovantes.

L’équipe dirigée par Alain Chédotal (Institut de la Vision, INSERM, CNRS, UPMC, Paris) en collaboration avec celle d’Anne Eichmann (Collège de France et Université de Yale) vient de découvrir qu’une protéine sécrétée, Slit2, et ses récepteurs, Robo1 et Robo2, favorisent la croissance vasculaire normale et pathologique en stimulant la migration des cellules endothéliales rétiniennes. Ce couple ligand/récepteur était déjà connu pour son rôle essentiel dans le développement des connexions neuronales.

L’utilisation de modèles murins a montré que l’inactivation de l’expression de Slit2 ou de Robo1/Robo2 inhibe le développement de la vascularisation rétinienne. De plus, l’inhibition de Slit2 permet de bloquer le développement de néo-vaisseaux dans un modèle de rétinopathie de la prématurité. L’étude a aussi montré que la fixation de Slit2 sur ses récepteurs induit la phosphorylation d’un récepteur au VEGF (VEGFR2) et l’activation de RAC1, une petit protéine G, révélant ainsi un lien inédit entre ces deux voies de signalisation. Ce travail suggère que des molécules ciblant le complexe Slit2/Robo pourraient permettre de bloquer la croissance anormale des vaisseaux, dans les pathologies oculaires mais aussi les cancers.

Référence:

Slit2 signaling through Robo1 and Robo2 is required for retinal neovascularization.

Rama N, Dubrac A, Mathivet T, Ní Chárthaigh RA, Genet G, Cristofaro B, Pibouin-Fragner L, Ma L, Eichmann A, Chédotal A.

Nature Medicine 2015 May;21(5):483-91. doi: 10.1038/nm.3849.

Source : communiqué de presse de l’INSERM
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de Clémence Fouquet 16.11.2015 à 06h43

Maladie d’Alzheimer: Un nouvel acteur moléculaire découvert par des équipes allemandes et une équipe française

Alzheimer : un nouvel acteur, passé inaperçu pendant 30 ans
Des chercheurs viennent d’identifier un nouveau peptide actif dans la maladie d’Alzheimer. Proche cousin du fameux amyloïde-β, qui s’accumule en formant des plaques dans les neurones des patients, il avait échappé à toute détection depuis trente ans. Pourtant, ce nouvel acteur, l’amyloïde-η (êta), est produit de façon constitutive dans le cerveau et perturbe les fonctions neuronales: une découverte qui pourrait avoir des conséquences sur certains essais cliniques en cours. Ces travaux sont le fruit d’une collaboration internationale entre des équipes allemandes1 et une équipe française de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université Nice Sophia Antipolis). Ils sont publiés le 31 août 2015 par la revue Nature.
La maladie d’Alzheimer est associée à l’apparition d’agrégats neurotoxiques (plaques amyloïdes, accumulation de protéine tau) dans les neurones de l’hippocampe ; ces anomalies se propagent ensuite dans tout le cerveau. Il y a plus de trente ans, l’analyse chimique des plaques a révélé qu’elles sont composées de peptides amyloïde-β, eux-mêmes issus du découpage d’une protéine précurseur nommée APP. Alors que tous les efforts se concentraient sur l’amyloïde-β, une équipe internationale vient de découvrir que la protéine APP peut être découpée autrement, ce qui génère un peptide différent. Et ce nouveau peptide, nommé amyloïde-η (êta), n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement des neurones.

Bien qu’il soit produit en plus grande quantité que l’amyloïde-β, l’amyloïde-η avait échappé à toute détection ces trente dernières années. En effet, les neuroscientifiques avaient concentré leur attention sur l’amyloïde-β, son mode de production et d’accumulation, sa toxicité pour les neurones et les moyens de l’inhiber pour traiter la maladie d’Alzheimer. Dans cette étude, après l’avoir identifié à la fois dans le cerveau de souris modèles pour la maladie et dans celui de patients, ils montrent que ce nouveau peptide, comme l’amyloïde-β, diminue le renforcement des synapses nécessaire à la mémorisation2. Par ailleurs, contrairement à l’amyloïde-β qui rend les neurones hyperactifs, l’amyloïde-η les rend plus difficilement excitables. Au vu de sa neurotoxicité, ce nouveau peptide est sans doute impliqué dans le mécanisme de la maladie d’Alzheimer, mais d’autres travaux seront nécessaires pour déterminer son impact sur les déficits cognitifs.

Cette découverte a néanmoins des conséquences immédiates sur les essais cliniques en cours, dont la plupart visent à réduire la quantité d’amyloïde-β dans l’espoir d’enrayer la perte de mémoire. Un de ces essais cliniques, par exemple, étudie l’inhibition de la β-sécrétase, une enzyme clé qui est impliquée dans la formation d’amyloïde-β. Or, les chercheurs viennent en effet de confirmer que l’inhibition de cette enzyme permet de réduire la production d’amyloïde-β mais que cela s’accompagne d’une augmentation massive d’amyloïde-η. Il est donc très probable que cette stratégie thérapeutique soit nocive pour le cerveau, par l’action exagérée d’amyloïde-η sur les neurones. Cette découverte invite les cliniciens à être très attentifs aux possibles effets secondaires non-anticipés des essais cliniques.

Des photos de l’équipe d’Hélène Marie sont disponibles sur demande.

Notes :
1 Des équipes de DZNE (Deutsches Zentrum für Neurodegenerative Erkrankungen), de Technische Universität München, et de Ludwig-Maximilians-Universität München.

2 Un type de plasticité appelé potentialisation à long terme (LTP en anglais).
Références :
η-Secretase processing of APP inhibits neuronal activity in the hippocampus, Michael Willem, Sabina Tahirovic, Marc Aurel Busche, Saak V. Ovsepian, Magda Chafai, Scherazad Kootar, Daniel Hornburg, Lewis D.B. Evans, Steven Moore, Anna Daria, Heike Hampel, Veronika Müller, Camilla Giudici, Brigitte Nuscher, Andrea Wenninger-Weinzierl, Elisabeth Kremmer, Michael T. Heneka, Dietmar R. Thal, Vilmantas Giedraitis, Lars Lannfelt, Ulrike Müller, Frederick J. Livesey, Felix Meissner, Jochen Herms, Arthur Konnerth, Hélène Marie & Christian Haass. Nature, Oct 15;526(7573):443-7.DOI:10.1038/nature14864

Contacts :
Chercheuse CNRS l Hélène Marie l T 04 93 95 34 40 l marie@ipmc.cnrs.fr
Presse CNRS l Véronique Étienne l T 01 44 96 51 37 l veronique.etienne@cnrs-dir.fr

Source : communiqué de presse du CNRS
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Photo : © copyright 2015 John Pusceddu (CNRS)

de Clémence Fouquet 03.11.2015 à 09h37