Fatigue cognitive et décisions économiques
Vous travaillez trop ? Vous dépensez plus !
Acheter le dernier smartphone ou économiser de l’argent pour partir aux Seychelles ?
Résister à la tentation d’une récompense immédiate est souvent indispensable pour atteindre nos objectifs à long terme. Et notre capacité à contrôler notre impulsivité est une des clefs de notre insertion sociale et de notre réussite professionnelle.
Et si nous avions un stock quotidien limité de self-control ? Une fois cette ressource épuisée, nous serions soumis à notre impulsivité et prendrions des décisions dénuées de toute rationalité !
C’est l’hypothèse qu’a testé l’équipe de Mathias Pessiglione en demandant à trois groupes de volontaires de se prêter à des études comportementales. Le premier groupe devait résoudre des exercices compliqués pendant plus de 6 heures. Pendant ce temps, le deuxième groupe était confronté à des exercices simples alors que le troisième groupe se divertissait en lisant ou en jouant à des jeux vidéos. A intervalles réguliers, les chercheurs demandaient aux participants de choisir entre une récompense immédiate, recevoir une petite somme d’argent tout de suite, ou une récompense à long terme, une plus grosse somme d’argent plus tard.
Les personnes soumises à des exercices difficiles ont choisi la petite somme tout de suite, c’est à dire qu’ils ont favorisé un choix impulsif à un choix plus profitable à long terme. Ainsi la « fatigue » cognitive nous entrainerait à faire des choix plus impulsifs.
La responsable ? Une petite région du cerveau située dans le cortex préfrontal et sollicitée à la fois lors de la réalisation de tâches complexes et de choix financiers. L’activité de cette région diminue avec la fatigue, or plus son activité diminue, plus le nombre de choix impulsifs augmente.
Ce travail met en évidence un mécanisme qui explique pourquoi, après une journée de travail intense, notre impulsivité augmente quand il s’agit de prendre des décisions économiques. Ces résultats ont des implications dans le domaine du management, en effet le nombre et la durée des pauses pendant le travail devraient être adaptées pour éviter la fatigue cognitive. Un travail trop intense a non seulement des répercussions sur nos décisions économiques mais peut entraîner, à terme, des conditions pathologiques comme le syndrome du burn-out.
Réf.:
Neural mechanisms underlying the impact of daylong cognitive work on economic decisions. Blain B, Hollard G, Pessiglione M. Proc Natl Acad Sci U S A. 2016 Jun 21;113(25):6967-72)
Cajal Course: Hippocampus, from circuit to cognition
CAJAL Neuroscience Training Courses
The Brain Prize course.
Hippocampus: from Circuits to Cognition
Over the past 50 years, major breakthroughs in understanding hippocampal connectivity and function have been done. Continued technological advances have opened new opportunities for the study of this brain area at the level of molecules, cells, and networks. The advanced CAJAL course will give promising young neuroscientists in-depth exposure to the breadth of research on the hippocampus, and will provide hands-on training in state-of-the-art methods used to study hippocampal function. Ultimately, the school will promote interactions between students and leading experts on hippocampal anatomy, physiology and function via lecture series.
Dates: 10-31 Oct. 2016
Venue: Bordeaux Neurocampus, France
Course directors:
• Jozsef CSICSVARI (Institute of Science and Technology, AT)
• Charan RANGANATH (University of California, US)
On-site chairs:
• Christophe MULLE (University of Bordeaux, FR)
• Mario CARTA (University of Bordeaux, FR)
Deadline: 31st July, 2016 (Brussels time, Midnight)
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Caractériser la morphologie des neurones et des astrocytes in vivo par spectroscopie par résonance magnétique
Aborder la morphologie des cellules cérébrales, in vivo, de manière non-invasive reste un réel défi. Or, la morphologie des neurones et astrocytes est susceptible d’être altérée au cours de certaines affections, en particulier les maladies neurodégénératives. Il serait donc extrêmement pertinent de disposer d’une méthode d’imagerie non-invasive permettant d’accéder à ces caractéristiques morphologiques. Malheureusement, la finesse de la structure de ces cellules, ainsi que leur extrême imbrication, les placent bien en dessous de la résolution de toutes les techniques d’imagerie cérébrale.
Le groupe de Julien Valette (MIRCen) au CEA de Fontenay aux Roses a développé, dans le cadre d’un projet financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC), une stratégie pour quantifier certaines caractéristiques morphologiques des neurones et astrocytes, publiée en mai 2016 dans la revue PNAS. Cette méthode indirecte est basée sur la mesure, par des approches originales de spectroscopie par résonance magnétique in vivo, de la diffusion de molécules naturellement et spécifiquement présentes à l’intérieur des cellules, afin de « sentir » de l’intérieur la structure cellulaire contraignant la diffusion de ces molécules. Les données de diffusion sont ensuite modélisées, par simulations numériques dans des « cellules virtuelles » effectuées massivement sur processeur graphique, pour en extraire la complexité et la taille des cellules dans le volume cérébral étudié. La stratégie proposée, bien que nécessitant encore des étapes de validation, laisse ainsi entrevoir la possibilité de mesurer de manière non-invasive la morphologie des cellules du cerveau.
Référence de l’article : Palombo M, Ligneul C, Najac C, Le Douce J, Flament J, Escartin C, Hantraye P, Brouillet E, Bonvento G, Valette J. (2016) New paradigm to assess brain cell morphology by diffusion-weighted MR spectroscopy in vivo. Proc Natl Acad Sci U S A. 2016 Jun 14;113(24):6671-6. doi: 10.1073/pnas.1504327113. Epub 2016 May 25.
Lien vers l’article (open access) : PNAS open access
Contact : Julien Valette, Laboratoire des Maladies Neurodégénératives / MIRCen, UMR9199 CEA-CNRS-Univ. Paris-Sud, I2BM, DRF, CEA, Fontenay aux Roses, France.
Crédit photo : Julien Valette/Marco Palombo
Retour sur les Journées thématiques de la Société des Neurosciences
Escale au bord de la Loire…
Les 24 et 25 mai derniers, plus de 200 participants ont assisté aux 2e Journées Thématiques de la Société des Neurosciences organisées à Tours par la Structure Fédérative de Recherches de Neuroimagerie Fonctionnelle de Tours-Poitiers. Ces journées se sont déroulées dans la salle Thélème de l’université François-Rabelais de Tours et étaient consacrées à « La plasticité cérébrale, de la recherche fondamentale à la clinique ». Vingt conférences, dont la prestigieuse Lecture Alfred Fessard donnée par Geneviève Rougon, ont été présentées et suivies par des chercheurs et des cliniciens, majoritairement issus des laboratoires français mais aussi par quelques collègues étrangers. Les discussions et les échanges ont été nombreux lors des pauses café et buffets et autour des quarante-sept posters principalement présentés par des étudiants. Dix d’entre eux ont été sélectionnés pour une présentation de leurs travaux sous la forme de communication-flash de 5 minutes.
Ces journées se sont terminées par une conférence à l’attention du public tourangeau au cours de laquelle Hervé Platel (Inserm Caen) a abordé la question : Arts, cerveau et vieillissement – de la musique pour bien vieillir ? De nombreux échanges ont eu lieu à l’issue de cette conférence, à laquelle ont participé environ 130 personnes.
Les organisateurs remercient chaleureusement la Société des Neurosciences pour leur avoir confié l’organisation de ces journées, et les nombreux sponsors pour leur indispensable soutien.
Les lauréats du prix de thèse de la Société des Neurosciences
Les trois lauréats du prix de thèse de la Société des Neurosciences ont reçu leur prix lors des 2e Journées Thématique organisées à Tours les 24 et 25 mai dernier. Ils ont brièvement résumé leurs travaux de thèse.
Mon projet de thèse a porté sur l’étude de la fonction de la protéine LGI1, dont le dysfonctionnement est responsable d’une épilepsie héréditaire du lobe temporal et d’épilepsies auto-immunes. Mes travaux de recherche ont consisté à déterminer la période développementale et les populations de neurones qui contribuent à la pathologie à l’aide de lignées de souris génétiquement modifiées. Mes résultats ont permis de démontrer que les neurones excitateurs jouaient un rôle majeur dans cette épilepsie, et que LGI1 était indispensable au maintien d’une excitabilité neuronale normale tout au long de la vie. De plus, j’ai montré que LGI1 est un acteur essentiel de l’élément présynaptique et que son absence entraîne une libération excessive de glutamate aux synapses excitatrices qui pourrait être à l’origine des crises d’épilepsie. La meilleure compréhension de la fonction de LGI1 devrait maintenant permettre d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques dans l’épilepsie.
Le cervelet joue un rôle déterminant dans l’apprentissage, le maintien de la posture et la coordination motrice. Au sein du réseau neuronal cérébelleux, les informations sensorielles convergent vers la cellule de Purkinje qui possède un rôle clé dans le traitement des informations. Il est donc important de comprendre comment la connectivité de celle-ci est modifiée durant un apprentissage moteur. Ma thèse a consisté à étudier les voies de signalisation moléculaire impliquées suite à l’activation de récepteurs pré- et/ou post-synaptiques durant des protocoles de plasticité synaptique à la synapse entre fibres parallèles et cellules de Purkinje. Ces résultats expérimentaux nous ont permis la confection d’un modèle mathématique qui prédit le signe de la plasticité synaptique à partir de patrons d’entrées arbitraires sur la cellule de Purkinje. L’ensemble de ces études permettra de mieux comprendre le mécanisme de stockage de l’information dans le cortex cérébelleux, et potentiellement d’identifier des cibles pharmacologiques permettant de résoudre ou de corriger des désordres cérébelleux.
De nombreuses études ont mis en évidence un rôle du sommeil dans la consolidation de la mémoire. Cette consolidation durant le sommeil serait permise par des répétitions des informations vécues lors de l’éveil. Il a été montré chez le rongeur que des cellules de lieu, qui s’activent de façon spécifique selon notre localisation dans l’espace, étaient réactivées durant le sommeil, comme si l’animal rejouait les trajectoires qu’il avait faites durant l’éveil. Nous avons utilisé ces réactivations des cellules de lieu afin de créer un souvenir artificiel entre un lieu et une récompense durant le sommeil, au moyen d’une interface cerveau-machine. La création de ce nouveau souvenir a permis de démontrer le rôle causal de ces neurones dans la navigation spatiale.
Un résumé des découvertes 2015 de la Neuroendocrinologie Française
La Neuroendocrinologie est une discipline transversale par excellence qui étudie les interactions réciproques entre le système nerveux et les systèmes endocrines et neuroendocrines. C’est une discipline centrale en neurosciences qui aborde des sujets de santé publique majeurs et d’agronomie. La Société de Neuroendocrinologie fédère une quarantaine de laboratoires et environ 250 chercheurs et étudiants français et francophones qui se réunissent chaque année dans un colloque ouvert aux autres sociétés internationales de neuroendocrinologie.
En décembre 2015, le conseil scientifique de la Société de Neuroendocrinologie a sélectionné quelques articles de très haut niveau scientifique publiés en 2015 par des membres de notre communauté afin de faire connaître sous forme de plaquette des avancées scientifiques majeures.
Contrôle de la fertilité : des microARNs responsables !
Des ARN particuliers de petites tailles sont responsables du contrôle de l’expression de la gonadolibérine ou GnRH (Gonadotropin Leasing Hormone), une neurohormone qui pilote la maturation sexuelle, l’apparition de la puberté et la fertilité à l’âge adulte. C’est ce que vient de démontrer l’équipe « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine » dirigée par Vincent Prévot, Directeur de recherche Inserm (Centre Jean-Pierre Aubert, Lille). L’intervention des micro-ARNs, transcrits de l’ADN, s’opère autour de la naissance, et marque une étape clé du développement postnatal. Une défaillance de l’action de ces micro-ARNs entraine une perturbation, voire l’arrêt total, de la production de GnRH par les neurones de l’hypothalamus qui la synthétise, et ainsi une infertilité. Dans les cas les plus graves, une stérilité peut intervenir. Le détail de ces travaux sur la souris est publié dans la revue Nature Neuroscience datée du 2 mai 2016.
Pour en savoir plus, lire le communiqué de presse Inserm.
“A microRNA switch regulates the rise in hypothalamic GnRH production before puberty”
Andrea Messina1,2,7, Fanny Langlet1,2,3,9, Konstantina Chachlaki1,2,9, Juan Roa4,5,9, S Rasika6, Nathalie Jouy1,2, Sarah Gallet1,2, Francisco Gaytan4,5, Jyoti Parkash1,2,8, Manuel Tena-Sempere4,5, Paolo Giacobini1,2, Vincent Prevot1,2
1 Inserm, Laboratory of Development and Plasticity of the Neuroendocrine Brain, Jean-Pierre
Aubert Research Centre, U1172, F-59000 Lille, France
2 University of Lille, FHU 1000 days for Health, School of Medicine, Lille, F-59000, France
3 Columbia University Medical Center and Berrie Diabetes Center, New York, NY 10032,USA
4 Department of Cell Biology, Physiology and Immunology, University of Cordoba & Instituto Maimonides de Investigación Biomédica de Cordoba (IMIBIC/HURS), 14004 Cordoba,Spain
5 CIBER Fisiopatología de la Obesidad y Nutrición, Instituto de Salud Carlos III, 14004 Cordoba, Spain
6 Inserm UMR1141 – PROTECT (Promoting Research Oriented Towards Early CNS Therapies), 75019, Paris, France
7 Present address: University of Lausanne, CHUV, Lausanne, Switzerland
8 Present address: Centre for Animal Sciences, Central University Punjab, 151001 Bathinda, India
9 These authors contributed equally to this work
Nature Neuroscience, 2 mai 2016, doi:10.1038/nn.4298
Contact chercheur
Vincent Prévot
Directeur de recherche Inserm
Equipe « Développement et plasticité du cerveau endocrine »
Centre Jean-Pierre Aubert, Unité Inserm 1172, Lille
Tel: 03 20 62 20 64
Courriel
Des oscillations 4-Hz impliquées dans le comportement de peur
Par Cyril Herry
Les réponses adaptatives de peur face à des situations traumatisantes ou menaçantes nous aide à échapper à un danger potentiel. Ces réponses de peur peuvent être apprises par le biais d’une association entre un stimulus neutre au départ et la présence d’un facteur stressant (par exemple un danger physique). Cette association très robuste permet la formation d’une trace de mémoire qui persiste pendant des années et génère des modifications structurelles et fonctionnelles dans le cerveau. Cet apprentissage associatif peut se réaliser en une seule fois et chaque exposition ultérieure au stimulus conditionné induit une récupération de la mémoire associative. La mémoire de peur se manifeste au travers d’une large gamme de réponses physiologiques telles qu’une augmentation de la transpiration, des tremblements, ainsi qu’une augmentation du rythme cardiaque. D’un point de vue neuronal, les corrélats physiologiques de ces réponses de peur sont encore largement inconnus.
Au laboratoire, la mémoire de peur est modélisée par la mise en œuvre d’un conditionnement de type Pavlovien au cours duquel un stimulus tel qu’un son est répétitivement associé à un évènement aversif léger comme un choc électrique délivré aux pattes de l’animal. La peur conditionnée de l’animal se manifeste notamment par une réponse conditionnée d’immobilisation appelée freezing. Des décennies de recherche dans le domaine ont permis d’identifier de multiples régions cérébrales impliquées dans le conditionnement auditif de peur, en particulier, le cortex préfrontal médian dorsal (CPFmd) et l’amygdale basolatérale (BLA) qui sont des structures clefs pour l’acquisition et l’expression des réponses conditionnées de peur. Bien que le freezing soit une mesure classique de la peur largement utilisée, les mécanismes neuronaux permettant l’expression de cette réponse comportementale sont encore largement inconnus.
Afin de répondre à cette question, nous nous sommes focalisés dans cette étude sur les processus neurobiologiques associés à cet état comportemental de peur par la mise en oeuvre d’approches comportementales, électrophysiologiques et optogénétiques. Dans cette étude nous mettons en évidence pour la première fois que le comportement de freezing est associé à un état cérébral généré de façon interne qui se manifeste par la mise en œuvre d’oscillations soutenues autour de 4 Hz au niveau du CPFmd et du BLA. De façon intéressante, nous avons observé que cet état oscillatoire prédit le début et la fin des épisodes de freezing et permettait le couplage d’activité neuronale entre le CPFmd et le BLA. Grâce à des analyses causales, nous avons identifié que l’activation des neurones du CPFmd précédait l’activation des neurones de l’amygdale pour chaque cycle de 4 Hz ce qui suggère un rôle clef de ces oscillations préfrontales dans le contrôle de l’expression des réponses conditionnées de peur. Finalement, grâce à la mise en œuvre de manipulation optogénétiques innovantes, nous avons démontré que l’induction artificielle d’oscillations 4 Hz dans le CPFmd était une condition suffisante pour l’induction du comportement de freezing et la synchronisation d’activité neuronale entre le CPFdm et le BLA.
Dans leur ensemble, ces résultats identifient une signature physiologique de la mémoire de peur au sein des circuits préfrontaux-amygdaliens et suggèrent que l’altération des oscillations 4 Hz dans ce circuit pourrait représenter une stratégie thérapeutique potentielle pour les pathologies anxieuses.
Source: “4-Hz oscillations synchronize prefrontal–amygdala circuits during fear behavior”
Karalis N, Dejean C, Chaudun F, Khoder S, Rozeske R, Wurtz H, Bagur S, Benchenane K, Sirota A, Courtin J, Herry C
Nature Neuroscience, 2016 doi:10.1038/nn.4251
Copyright © 2016, Rights Managed by Nature Publishing Group
Oscillations 4 Hz dans le cortex préfrontal au cours du comportement de freezing.
a, Haut, Exemple représentatif d’oscillation 4 Hz dans le cortex préfrontal au cours du freezing. Bas, Spectrograms représentatifs des potentiels de champs préfrontaux avant et après conditionnement lors de la présentation du son contrôle (CS-) ou du son conditionné (CS+).
b, Spectrogram représentatif des potentiels de champs préfrontaux à une résolution temporelle plus fine lors de la présentation du son contrôle conditionné (CS+) associé à un comportement de freezing.
c-d, Analyse spectrale moyennée mettant en évidence une augmentation des oscillations préfrontales 4 Hz pendant les périodes de freezing et au cours de la récupération des réponses de peur après conditionnement.
L’huntingtine : ses liens avec la Maladie de Huntington et ses fonctions cellulaires normales…
La revue écrite par Sandrine Humbert et Frédérique Saudou dans la revue Neuron présente de manière remarquable les principales découvertes de ces dernières années sur l’huntingtine. Ces deux chercheurs INSERM de l’Institut des Neurosciences de Grenoble, pionniers dans la découverte du rôle central de l’huntingtine dans le transport axonal, le contrôle du métabolisme énergétique et la division cellulaire, soulignent combien cette protéine au-delà de son rôle toxique dans la maladie de Huntington est, par sa biologie complexe, au cœur de nombreuses fonctions du système nerveux. Cette somme impressionnante de connaissances laisse entrevoir l’espoir de mieux comprendre la Maladie de Huntington et par la même identifier à terme une stratégie thérapeutique efficace.
La maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative héréditaire dominante touchant des individus jeunes (35 ans en moyenne). La maladie de Huntington est une maladie « rare » (prévalence ~1/10000), mais elle représente en France plus de 6000 patients. Elle est caractérisée par trois types de symptômes : des mouvements involontaires (chorée), des déficits cognitifs, et des atteintes psychiatriques associée à une atrophie cérébrale qui touche de manière précoce le striatum. Le décès des patients survient quinze à vingt ans après que les premiers symptômes soient détectés. Bien qu’un grand nombre de laboratoires et équipes cliniques en France et dans le monde entier, soutenus par les associations de malades et leurs familles, concentrent leurs efforts de recherche sur la maladie de Huntington, il n’existe à l’heure actuelle aucune thérapie pouvant ralentir l’aggravation inexorable de la maladie.
Les principales caractéristiques héréditaires et neurologiques de la maladie ont été décrites par une jeune médecin, le Dr George Huntington en 1872. C’est plus d’un siècle plus tard, en 1993, que l’anomalie génétique responsable de la maladie de Huntington a été identifiée. Il s’agit d’une expansion anormale de triplet CAG dans la partie codante du gène de la protéine huntingtine. Comment cette mutation pourrait conduire à la dégénérescence des neurones ? Quelles sont les fonctions biologiques de la protéine huntingtine normale ? Quels mécanismes pourraient expliquer que la mutation qui produit une expansion anormale d’un segment polyglutamine dans l’huntingtine, fragilise préférentiellement les neurones du système nerveux ? Les chercheurs neurobiologistes et cliniciens ont abordé ces questions cruciales depuis plus de vingt ans. Sandrine Humbert et Frédéric Saudou nous rappellent les principales découvertes liées à ces questions.
L’huntingtine peut être considérée comme une protéine d’échafaudage. Elle est exprimée dans tous les types cellulaires. Plusieurs de ses domaines fonctionnels sont retrouvés dans des organismes très anciens au plan phylogénétique. L’huntingtine possède un nombre impressionnant de partenaires protéiques qui agissent dans des fonctions cellulaires diverses. Depuis plus de 15 ans, plusieurs travaux ont montré son rôle anti-apoptotique, en agissant à divers niveaux de la cellule. Les découvertes récentes sur l’huntingtine normale (sauvage) et la forme mutée ont mis en évidence son implication dans la régulation de la transcription, des moteurs moléculaires du transport axonal, des générateurs locaux d’énergie pour le transport des vésicules, de l’endocytose, de l’orientation du faisceau mitotique et de l’autophagie.
Par ses fonctions variées, l’huntingtine interviendrait ainsi dans divers processus neurobiologiques du cerveau adulte mais également pendant le développement et si son rôle dans la maladie de Huntington est certain, elle pourrait également intervenir indirectement dans d’autres pathologies psychiatriques et neurologiques.
S’il n’existe pas encore de traitement pour bloquer ou retarder l’évolution de la maladie de Huntington, la somme impressionnante des connaissances accumulées depuis la découverte du gène, permet de mieux appréhender la complexité de la biologie de l’huntingtine. Améliorer notre compréhension de cette biologie est un axe de recherche crucial pour à terme découvrir une thérapie efficace pour la maladie de Huntington.
Référence de l’article : Saudou F, Humbert S. The Biology of Huntingtin. Neuron. 2016, 89:910-26. doi: 10.1016/j.neuron.2016.02.003.
Lien vers l’article : Neuron
Contacts: Frédéric Saudou & Sandrine Humbert – University Grenoble Alpes, Grenoble Institut des Neurosciences, GIN, 38000 Grenoble, France; INSERM, U1216, 38000 Grenoble, France; CHU Grenoble Alpes, 38000 Grenoble, France.
Suivre des récepteurs membranaires à l’échelle de la molécule unique et en temps réel: enfin possible dans le cerveau !
La communication entre les cellules du cerveau repose grandement sur l’activation de récepteurs aux neurotransmetteurs. Cette voie de communication est essentielle pour la transmission basale et la plasticité des synapses, et son dysfonctionnement serait à la base de maladies neuropsychiatriques, comme la schizophrénie. Comprendre la régulation de ces récepteurs est donc un enjeu majeur en neuroscience fondamentale et clinique. Grâce à un travail interdisciplinaire, une barrière méthodologique vient d’être franchie. En effet, Juan Varela et ses collaborateurs ont réussi à suivre, en temps réel et l’échelle de la molécule unique, des récepteurs aux neurotransmetteurs dans le tissu cérébral intact. Ce travail, publié dans le revue Nature Communications, a permis de démontrer que la dynamique des récepteurs dans un tissu natif est très semblable à celle observée dans des préparations in vitro. La grande dynamique membranaire des récepteurs aux neurotransmetteurs est donc, plus que jamais, un mécanisme central de la communication cérébrale. Les perspectives sont multiples tant pour la compréhension « nanoscopique » de la transmission synaptique in vivo mais aussi de ses dysfonctionnements dans des grandes pathologies neurologiques et psychiatriques.
Contact : Laurent Groc, Directeur Recherche CNRS, Directeur Equipe, IINS – CNRS – Universite de Bordeaux