Les nouveaux neurones de l’addiction !
La consommation de substances psychoactives, en particulier la nicotine et la cocaïne, a des conséquences néfastes sur les fonctions cérébrales. Depuis longtemps, nous suspections que les effets de ces drogues étaient intimement liés à des altérations intervenant dans l’hippocampe adulte, une région qui présente la particularité de produire des nouveaux neurones (néo-neurones) tout au long de la vie des mammifères, l’homme inclus. Ainsi, nous avons montré que l’auto-administration de drogues diminue la production et la survie des nouveaux neurones hippocampiques de rats. Puis, nous avons émis l’hypothèse qu’une faible production de nouveaux neurones rendrait les animaux vulnérables à la pharmacodépendance (Abrous et al., 2005). Cette hypothèse reposait sur l’observation que des animaux spontanément vulnérables à l’addiction, ou des animaux devenus vulnérables après stress précoces, sont caractérisés par une faible production de nouveaux neurones. Pour tester notre hypothèse, un modèle transgénique a été développé afin de tuer les cellules en prolifération par surexpression de la protéine pro-apoptotique Bax dans les précurseurs neuronaux exprimant la protéine Nestine. Grâce à ce modèle transgénique inductible original, nous avons montré qu’une souris saine pouvait être transformée en une souris « addict ». Dans cette étude, les souris ont été entraînées à s’auto-administrer la cocaïne et nous avons montré que les souris dont la production de nouveaux neurones a été réduite par transgénèse sont plus motivées à s’auto-administrer la drogue. De plus, au cours du sevrage, elles rechutent quand elles sont re-exposées à l’environnement dans lequel elles s’étaient auto-administrées de la drogue. Ces travaux démontrent l’importance de la néo-neurogénèse hippocampique dans l’addiction et ouvrent de nouvelles perspectives sur la compréhension de la vulnérabilité à la pharmacodépendance.
Référence :
Depleting adult dentate gyrus neurogenesis increases cocaine-seeking behavior.
Deroche-Gamonet V, Revest JM, Fiancette JF, Balado E, Koehl M, Grosjean N, Abrous DN, Piazza PV.
Mol Psychiatry. 2018 Mar 5. doi: 10.1038/s41380-018-0038-0. [Epub ahead of print]
Contact chercheur:
Dr Nora Abrous
“Neurogenesis & Pathophysiology”
Neurocentre Magendie – Inserm 1215 et Université de Bordeaux
146 rue Léo-Saignat
33077 Bordeaux cedex
Tel. : +33 5 57 57 36 86
For many years, it was believed that the adult mammalian brain was composed of a fixed number of neurons that no longer divide after the end of development. However, the dentate gyrus (DG) of the hippocampus presents the unique peculiarity to produce new neurons throughout the lifespan of individuals. These adult-born dentate granule neurons (Adu-DGNs) are integrated into the hippocampal circuitry that they tightly control. They are required for learning and memory and have been proposed to be involved in drug addiction considered as a maladaptive learning. A number of studies support this hypothesis: 1) self-administration (SA) of drugs of abuse, such as nicotine or cocaine, decreases adult neurogenesis, 2) a decrease in adult neurogenesis spontaneously found in some individuals or induced by early life stress in others is associated with a higher vulnerability to drugs . Despite this compelling correlative evidence, the causal relationship between neurogenesis and vulnerability to drugs was still lacking.
To assess the role of Adu-DGNs in cocaine self-administration we developed an inducible transgenic mouse model in which the death of neural precursors can be selectively induced by over-expressing the pro-apoptotic Bax protein following doxycycline (Dox) treatment . The impact of depleting Adu-DGNs was evaluated during various phases of SA behavior: acquisition, retention and relapse in a cue-induced reinstatement (Cue R) test. Our results show that transgenic mice with decreased Adu-DGNs exhibit increased motivation to self-administer cocaine and a higher seeking response to cocaine-related cues. These results identify adult hippocampal neurogenesis as a key factor in vulnerability to cocaine addiction and suggest that targeting Adu-DGNs might constitute a novel strategy for curing or preventing drug addiction.
Un même poisson à quelques neurones hypocrétinergiques près
L’un est coloré et vit dans les rivières d’Amérique latine, l’autre est aveugle, dépigmenté et habite dans l’obscurité des grottes mexicaines, pourtant ce sont les mêmes poissons : Astyanax mexicanus. Des chercheurs de l’Institut des neurosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Sud) ont recherché les mécanismes embryonnaires à l’origine de leurs différences morphologiques et comportementales.
Comment les spécimens cavernicoles ont-ils évolué afin de survivre dans un tel environnement ?
L’évolution du développement cérébral et ses conséquences comportementales est un sujet majeur pour comprendre comment les vertébrés colonisent les environnements nouveaux. Astyanax mexicanus est un modèle de choix pour aborder cette question.
Ce poisson présente deux morphotypes: une forme d’habitat de surface qui habite les rivières de l’Amérique Centrale et du Sud, et une forme cavernicole composée de plusieurs populations vivant dans l’obscurité totale et permanente des grottes mexicaines.
Les poissons cavernicoles ont évolué vers des traits régressifs – les plus spectaculaires étant la perte des yeux et de la pigmentation – mais ils ont aussi développé plusieurs traits constructifs tels qu’une mâchoire plus large, plus de papilles gustatives, ou des épithéliums olfactifs plus importants, et aussi de nombreux changement comportementaux. Parmi les plus frappants : les morphes cavernicoles dorment très peu et nagent en permanence.
Les chercheurs de l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Sud) ont observé qu’un nombre différent de certains neurones se développait dans l’hypothalamus chez les embryons des deux spécimens. Cette variation naturelle dans le développement cérébral impacte non seulement la morphologie des poissons cavernicoles mais aussi leur comportement.
En intervenant sur le développement neuronal des larves du poisson cavernicole, les chercheurs sont parvenus à leur faire mimer le comportement du poisson de surface. Ce travail révèle donc de nouvelles variations sous-jacentes à l’évolution et à l’adaptation des poissons cavernicoles à leur environnement extrême. Ces variations en nombres de neurones trouvent leur origine dans des processus embryonnaires très précoces, qui se produisent pendant les dix premières heures après la fécondation, lorsque l’embryon n’est encore qu’une « boule de cellules ».
Références :
Developmental evolution of the forebrain in cavefish, from natural variations in neuropeptides to behavior, Alexandre Alié, Lucie Devos, Jorge Torres-Paz, Lise Prunier, Fanny Boulet, Maryline Blin, Yannick Elipot et Sylvie Rétaux, eLife, 6 février 2018. doi.org/10.7554/eLife.32808
Contact chercheur:
Sylvie Rétaux
Institut des Neurosciences Paris-Saclay
Développement & Évolution du cerveau antérieur
retaux@inaf.cnrs-gif.fr
The same fish but a few more Hypocretin neurons
New insight into the development and function of Mexican cavefish brains reveals how the animals adapted their behaviour to cope with extreme environments.
There are two forms of A. mexicanus: surface-dwelling fish that inhabit rivers in south and Central America, and fish that live in the total and permanent darkness of Mexican caves. The cavefish display striking differences from their river-dwelling counterparts, including the loss of sleep that makes them a potential model to study human sleep disorders such as insomnia.
In a study published in eLife, researchers from the French National Center for Scientific Research (CNRS) and Université Paris-Saclay demonstrate how the developmental evolution of the brain in cave-dwelling Astyanax mexicanus (A. mexicanus) underlies the evolution of its survival behaviors. A second study from the US, published at the same time in eLife, suggests higher levels of hypocretin (HCRT) in the cavefish brain – a chemical compound associated with human narcolepsy – accounts for the loss of sleep in these animals.
“A. mexicanus cave-dwellers have developed this and other beneficial behaviors that allow them to live in adverse environments,” says senior author Sylvie Rétaux, Group Leader at CNRS, Paris-Saclay Institute of Neuroscience. “This makes them a prime model to study the evolution of brain development and its behavioral consequences, providing greater understanding of how vertebrates colonize more unusual locations.”
In their study, Rétaux and her team compared the development and natural variations of anatomy in the brains of both surface and cave-dwelling A. mexicanus embryos and larvae, highlighting specific differences in the numbers of neurons between the two forms. “We discovered a higher number of HCRT cells developing in the brains of cave-dwelling fish compared to surface-dwellers,” explains postdoctoral researcher Alexandre Alié. “By manipulating the numbers of HCRT neurons, we were able to link these to increased activity levels in the animals.” Jorge Torres-Paz, also a postdoctoral researcher at CNRS, adds: “Interestingly, we found that the variation in HCRT neuron numbers stems from very early embryonic events, which occur as early as within the first 10 hours after fertilization, when the embryo is still like a ball of cells. This suggests the mechanisms that lead to the loss of eyes could be shared in part with those that control developmental evolution of brain and behaviour, including sleep.”
These findings show that developmental evolution of the cavefish brain drives evolution in the animals’ behavior. More generally, they also support a role for HCRT in relation to sleep in other animals, providing a new system for investigating sleep differences throughout the entire animal kingdom.
Lois de Bioéthique et Neurosciences
La Société des Neurosciences a été invitée à une audition dans le cadre des Etats généraux de la Bioéthique, organisés par le Comité Consultatif National d’Ethique dans une phase de consultation préalable à la révision de la loi de bioéthique prévue fin 2018.
Parmi les nombreux questionnements éthiques soulevés par les progrès scientifiques et technologiques dans le domaine des Neurosciences, la contribution élaborée par le Bureau de la Société des Neurosciences a porté notamment sur le développement des approches permettant d’interfacer le cerveau et la machine.
L’activation par la lumière de récepteurs endogènes dans l’amygdale soulage les symptômes associés à une douleur chronique inflammatoire
Devant la difficulté de traiter les douleurs chroniques, nous nous sommes interrogés sur les mécanismes centraux capables de moduler la douleur physique et les désordres affectifs et cognitifs qui l’accompagnent. Au cours de notre étude, nous avons identifié un nouveau système de neuromodulation associé au récepteur métabotropique du glutamate mGlu4 dans l’amygdale, une région particulière du cerveau impliquée dans la gestion de la douleur et des émotions. Avec nos collaborateurs, nous avons ensuite développé et utilisé l’optogluram, un ligand de petite taille, diffusible, dont la fonction est contrôlée par la lumière. Ce nouveau ligand permet donc de prendre le contrôle de façon extrêmement précise et rapide des récepteurs natifs dans le cerveau d’un animal vigile et libre de ses mouvements. Grâce à la lumière, nous avons démontré la capacité du système de neuromodulation et des circuits neuronaux associés à mGlu4 dans l’amygdale à réguler rapidement et réversiblement les différents symptômes émotionnels (tel que l’anxiété) et sensoriels (hypersensibilité à la douleur) associés à la douleur persistante d’origine inflammatoire chez la souris. Ces résultats sont porteurs d’espoir du point de vue thérapeutique car ils révèlent que le cerveau conserve sa capacité à contrer les conséquences de la douleur chronique et identifie une cible capable d’agir contre elle. En outre, il s’agit de la première application de la photopharmacologie à un modèle animal préclinique pour révéler la fonction de mécanisme de régulation endogène.
Ce travail est le fruit d’une collaboration entre notre équipe à l’Institut de Génomique Fonctionnelle à Montpellier avec les équipes de Chimie Médicinale du Dr. Amadeu Llebaria à Barcelone et du Dr. Francine Acher à Paris, de l’équipe de Neuroanatomie du Professeur Francesco Ferragutti à Innsbruck et de l’équipe de Neurophysiologie du Dr. Ingrid Ehrlisch à Tübingen.
Faced with the difficulty of treating chronic pain, we questioned the central mechanisms able to modulate the physical, affective and cognitive symptoms associated with it. In this study, we identify a new neuromodulatory system associated with the metabotropic glutamate receptors mGlu4 within the amygdala, a key brain region linking pain sensation with negative emotions. With our collaborators, we developed optogluram, a small, diffusible ligand whose function is switchable by light. This new ligand allows to rapidly and precisely photocontrol native receptors in the brain of freely moving mice. Using light, we demonstrate the capacity of mGlu4 receptors, and of the neurons expressing them, to rapidly and reversibly abolish sensory and affective symptoms of persistent pain such as hypersensitivity to pain, anxiety- and depression-related behaviors, and fear extinction impairment. These results are promising because they reveal that the brain conserves its capacity to counteract chronic pain consequences and identify a target against it. Moreover, it describes the first application of photopharmacology in a preclinical animal model to reveal the function of endogenous regulatory mechanisms.
This work is a collaboration between our team at the Institut de Génomique Fonctionnelle in Montpellier and the medicinal chemistry teams of Dr. Francine Acher in Paris and Amadeu Llebaria in Barcelona, the team of neuroanatomy of Prof. Francesco Ferragutti in Innsbruck and the team of neurophysiology of Prof. Ingrid Ehrlisch in Tübingen.
Références :
Zussy C, Gomez-Santacana X, Rovira X, De Bundel D, Ferrazzo S, Bosch D, Asede D, Malhaire F, Acher F, Giraldo J, Valjent E, Ehrlich I, Ferraguti F, Pin JP, Llebaria A, Goudet C (2018) Dynamic modulation of inflammatory pain-related affective and sensory symptoms by optical control of amygdala metabotropic glutamate receptor 4. Mol Psychiatry 23: 509-520
Zussy C, Gomez-Santacana X, Rovira X, De Bundel D, Ferrazzo S, Bosch D, Asede D, Malhaire F, Acher F, Giraldo J, Valjent E, Ehrlich I, Ferraguti F, Pin JP, Llebaria A, Goudet C (2018) Optical activation of endogenous metabotropic glutamate receptor 4 (mGlu4) in the amygdala dynamically regulates symptoms associated with persistent inflammatory pain. Mol Psychiatry 23: 489
Contact chercheur:
INSERM U1191 – CNRS UMR 5203 – Institut de Génomique Fonctionnelle, Université de Montpellier
Montpellier
Tau et dégénérescences neurofibrillaires: toxiques OR NOT toxiques ?
Les tauopathies constituent un groupe de maladies neurodégénératives caractérisées par l’hyperphosphorylation de la protéine Tau et son accumulation sous forme d’agrégats présents dans plusieurs types cellulaires. Parmi les différent types d’agrégats intracellulaires de Tau contenus dans les neurones, les dégénérescences neurofibrillaires (DNF) sont caractéristiques des lésions retrouvées chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer (MA) et d’autres tauopathies pures telles que certaines démences fronto-temporales.
Parce que le nombre de DNF chez les patients corrèle fortement avec la mort neuronale et le déclin cognitif, on a longtemps pensé que ces formes très agrégées de Tau étaient à l’origine de la neurodégénérescence. Pourtant, mort neuronale et DNF n’apparaissent pas dans les mêmes zones du cerveau chez les patients souffrant de la MA. De plus, des études électrophysiologiques ont montré que les neurones porteurs de DNF dans des modèles de souris transgéniques fonctionnent encore en réseau et survivent à l’agrégation de Tau. Ainsi, l’hypothèse que des formes oligomériques solubles de Tau ayant un état d’agrégation intermédiaire pourraient être davantage toxiques que les DNF a été émise.
Pour élucider la toxicité des DNF in vivo, nous avons généré un modèle de tauopathie, appelé modèle « pro-agrégation » chez le rat qui génère un grand nombre de DNF dans l’hippocampe. Ce modèle est basé sur l’expression simultanée de la protéine Tau humaine sauvage et d’un peptide pro-agrégation via l’utilisation de vecteurs adéno-associés (AAV). Il est caractérisé par une forte hyperphosphorylation pathologique de la protéine Tau, la localisation aberrante de la protéine dans le soma et les dendrites neuronaux et la présence de nombreuses DNF argyrophylles dès un mois après l’injection du vecteur AAV, similaires aux lésions retrouvées chez les patients. En comptant le nombre de neurones CA1 de l’hippocampe, nous avons montré que la présence de DNF ne provoque pas de mort neuronale au moins jusqu’à 3 mois après injection. A l’inverse, la surexpression de la protéine Tau humaine sauvage seule provoque une mort neuronale importante de ces mêmes neurones, ainsi qu’une forte hyperphosphorylation de Tau mais cette fois, en l’absence totale de DNF.
In vivo les agrégats matures de Tau sembleraient donc être inoffensifs pour les neurones, au moins dans un premier temps, alors que les formes solubles, sans doute oligomériques, seraient les plus toxiques. Par ailleurs, l’étude montre que le nombre de DNF reflète de manière imparfaite la sévérité de la pathologie alors que l’hyperphosphorylation de Tau sur l’épitope reconnu par l’anticorps AT8 serait un bien meilleur index de neurodégénérescence. Une implication importante de cette étude est qu’il semblerait plus approprié de développer des traceurs d’imagerie et des agents thérapeutiques capables de cibler spécifiquement ces formes solubles de Tau plutôt que les DNF.
Référence:
Potentiating tangle formation reduces acute toxicity of soluble tau species in the rat. d’Orange M, Aurégan G, Cheramy D, Gaudin-Guérif M, Lieger S, Guillermier M, Stimmer L, Joséphine C, Hérard AS, Gaillard MC, Petit F, Kiessling MC, Schmitz C, Colin M, Buée L, Panayi F, Diguet E, Brouillet E, Hantraye P, Bemelmans AP, Cambon K. Brain. 2017 Dec 14. doi: 10.1093/brain/awx342
Contact chercheuse:
Karine Cambon
CEA, DRF, Institut François Jacob, Molecular Imaging Research Center (MIRCen), F-92265 Fontenay-aux-Roses, France.
CNRS, CEA, Paris-Sud Univ., Univ. Paris-Saclay, Neurodegenerative Diseases Laboratory (UMR9199), F-92265, Fontenay-aux-Roses, France.
karine.cambon@cea.fr
Contrôler l’activité des mGluR avec des nanobodies
Le neurotransmetteur de la grande majorité des synapses excitatrices, le glutamate, exerce aussi des rôles modulateurs via l’activation de récepteurs couplés aux protéines G, aussi appelés les récepteurs métabotropiques du glutamate (mGluR). Ces récepteurs sont des dimères constitutifs. Huit gènes codent pour les sous-unités des mGluR, et nous avons récemment montré que ces huit sous-unités peuvent former des hétérodimères de composition définie, augmentant ainsi le nombre possible de récepteurs de huit (homodimères) à 24 (en incluant les hétérodimères possibles). Parmi ces récepteurs, ceux contenant la sous-unité mGlu2 constituent des cibles intéressantes pour le traitement de l’anxiété ou de la schizophrénie. Ainsi, de nombreuses entreprises pharmaceutiques ont développé des agonistes et des modulateurs allostériques positifs de mGlu2. Cependant, ces composés ont échoué dans les essais cliniques de phase 3 en raison d’effets secondaires ou de manque d’efficacité, qui pourraient être dus aux actions “off-target” de ces composés ou à l’existence de mGlu hétérodimériques. Dans cette étude impliquant 5 équipes françaises, dont deux de l’IGF (Pin/Rondard et Valjent) nous décrivons des nanobodies (des anticorps simple chaîne de lamas) qui agissent spécifiquement sur les homodimères mGlu2, comme des modulateurs allostériques positifs (ils augmentent les effets d’un agoniste). Ces nanobodies sont donc les premiers composés sélectifs des récepteurs mGlu2 homodimériques. Nous montrons qu’après injection dans le cerveau, l’un d’eux inhibe la consolidation de la mémoire de peur, processus dans lequel le récepteur mGlu2 homodimérique est impliqué. Cette étude montre le potentiel des nanobodies comme outils pharmacologiques mais aussi comme agents thérapeutiques potentiels pour contrôler l’activité des récepteurs dans le cerveau.
The transmitter of most excitatory synapses in the brain, glutamate, also has modulatory role through the activation of G protein-coupled receptors, the so-called metabotropic glutamate receptors (mGluRs). The mGlu receptors are mandatory dimers. Eight genes encode mGlu subunits, and we recently reported that they can assemble into heterodimers, increasing the number of possible mGlu receptors from 8 homodimers, to 24 different subtypes including the possible heterodimers. These receptors are considered as possible new targets for the treatment of various brain diseases. Among them, mGlu2 containing receptors are of interest for the treatment of anxiety and schizophrenia. As such most pharmaceutical companies developed mGlu2 receptor agonists and positive allosteric modulators, but all failed in clinical trials, mostly due to side effects or lack of efficacy. This may be partly due to the off- target effect of allosteric modulators, or the existence of mGlu2 heterodimers. In the present study, involving five research groups in France including two from the IGF (Pin/Rondard and Valjent), we identified nanobodies (single chain antibodies from lamas) specifically acting at mGlu2 homodimers, with positive allosteric properties (they enhance the action of agonist). These nanobodies are then the first highly selective positive modulators of mGlu2 homodimers. We show that injected into the brain, these nanobodies inhibit the consolidation of fear memory, implicating hippocampal mGlu2 homodimers in this process. This study reveals the great potential of nanobodies as pharmacological tools and possibly as therapeutic agents for controlling brain receptors.
Référence: Scholler P, Nevoltris D, de Bundel D, Bossi S, Moreno-Delgado D, Rovira X, Møller TC, El Moustaine D, Mathieu M, Blanc E, McLean H, Dupuis E, Mathis G, Trinquet E, Daniel H, Valjent E, Baty D, Chames P, Rondard P, Pin JP. Allosteric nanobodies uncover a role of hippocampal mGlu2 receptor homodimers in contextual fear consolidation. Nat Commun. 2017 Dec 6;8(1):1967. doi: 10.1038/s41467-017-01489-1.
Link: http://rdcu.be/AyD2
Contact chercheurs :
Institut de Génomique Fonctionnelle, CNRS, INSERM, Univ. Montpellier, F-34094, Montpellier, France.
jean-philippe.pin@igf.cnrs.fr
Philippe.Rondard@igf.cnrs.fr
Microbiote et microglies: une inégalité des sexes !
Une étude conjointe entre des chercheurs Inserm de l’IBENS (Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure) à Paris et des chercheurs du SIgN (Singapore Immunology Network, A*STAR) de Singapour montre un rôle inédit du microbiote sur des cellules immunitaires du cerveau dès le stade fœtal. Ces cellules immunitaires, les microglies, jouent un rôle clé dans le développement et le fonctionnement cérébral et sont différemment perturbées par des modifications du microbiote chez les souris mâles et femelles à différents stades de la vie. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Cell.
Les microglies sont des cellules immunitaires qui répondent à des traumatismes ou des signaux inflammatoires pour protéger le cerveau, agissant comme des senseurs capables de détecter de nombreux signaux environnementaux. Ces cellules immunitaires sont également impliquées dans différentes étapes du développement et du fonctionnement cérébral. Ainsi, des dysfonctionnements de ces cellules sont associés à un large spectre de pathologies humaines, allant des troubles neuro-développementaux jusqu’aux maladies neurodégénératives. Les microglies jouent donc un rôle crucial dans le fonctionnement normal et pathologique du cerveau, ce qui laisse suggérer qu’elles constituent une interface régulatrice entre les circuits cérébraux et l’environnement.
Pour tester cette hypothèse, Morgane Thion et Sonia Garel, chercheuses Inserm et leurs collaborateurs, ont utilisé une approche multidisciplinaire sur des modèles de souris axéniques, qui n’ont pas de microbiote (ensemble des bactéries présentes dans l’organisme) et des modèles de souris adultes traitées avec un cocktail d’antibiotiques (qui détruisent de façon aigue le microbiote). En combinant analyses génomiques globales et études histologiques, les chercheurs ont montré que les microglies sont profondément affectées par un dysfonctionnement du microbiote, dès les stades prénataux et ce, en fonction du sexe de l’animal : les microglies appartenant à des mâles semblent affectées au stade prénatal alors que les microglies issues de femelles le sont à l’âge adulte. Ce surprenant dimorphisme sexuel fait écho au fait que l’occurrence de nombreuses pathologies neurodéveloppementales est plus élevée chez les hommes alors que les maladies auto-immunes sont plutôt prévalentes chez les femmes.
Si les mécanismes impliqués et les conséquences fonctionnelles restent à découvrir, cette étude révèle un rôle clé des microglies à l’interface entre environnement et cerveau et montre que les mâles et femelles auraient des susceptibilités différentes à des altérations du microbiote. Pour les auteurs, ces éléments mériteraient maintenant d’être pris en considération au niveau clinique et ce, dès les stades fœtaux.
Réréfence: Thion MS, Low D, Silvin A, Chen J, Grisel P, Schulte-Schrepping J, Blecher R, Ulas T, Squarzoni P, Hoeffel G, Coulpier F, Siopi E, David FS, Scholz C, Shihui F, Lum J, Amoyo AA, Larbi A, Poidinger M, Buttgereit A, Lledo PM, Greter M, Chan JKY, Amit I, Beyer M, Schultze JL, Schlitzer A, Pettersson S, Ginhoux F, Garel S. Microbiome Influences Prenatal and Adult Microglia in a Sex-Specific Manner. Cell. 2017 Dec 21. pii: S0092-8674(17)31432-0. doi: 10.1016/j.cell.2017.11.042
Contact chercheuse:
Sonia Garel, Directrice de recherche Inserm, Institut de Biologie de l’Ecole normale supérieure (IBENS), Ecole Normale Supérieure, Paris. Tel : 06 33 49 48 14. Mel : garel@biologie.ens.fr
Une enzyme cruciale pour les neurones enfin démasquée !
L’équipe Physiopathologie du Cytosquelette de l’institut des Neurosciences de Grenoble a identifié l’enzyme responsable de la détyrosination de la tubuline qui était recherchée depuis 40 ans. Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes pour mieux comprendre le rôle de cette modification de la tubuline dont les altérations accompagnent cancers, défauts neuronaux et maladies cardiaques. Ces résultats ont été publiés le 16 novembre 2017 dans la revue Science.
Les microtubules sont des fibres dynamiques du cytosquelette formées par l’assemblage de tubuline α et tubuline β (dimères α/β). Ils sont impliqués dans la division des cellules, leur morphologie, leur polarité, et leur migration. Ces diverses fonctions sont régulées grâce à l’existence de signaux présents à la surface de microtubules. Ces signaux, qui sont des modifications biochimiques des acides aminés des tubulines (nommés modifications post-traductionnelles parce qu’elles ont lui après la synthèse des protéines) ont lieu dans de multiples sites de la cellule et sont réalisées par diverses enzymes.
L’activité de l’une de ces enzymes a été mise en évidence pour la première fois en 1977 par des chercheurs argentins qui lui donnent le nom de TCP (Tubuline CarboxyPeptidase). Cette enzyme a comme fonction de cliver le dernier acide aminé, une tyrosine, de l’extrémité de la tubuline α. C’est la réaction de détyrosination. Une enzyme réverse, la ligase TTL (Tubuline Tyrosine Ligase), est chargée de repositionner cette tyrosine. C’est la tyrosination. Ce cycle de détyrosination/tyrosination est crucial pour la cellule et l’organisme. Une détyrosination massive (anormale) est observée dans plusieurs cancers sévères et maladies cardiaques. Il y a plusieurs années l’équipe ‘Physiopathologie du cytosquelette’ a montré que des souris n’exprimant plus la Tyrosine Ligase (TTL) meurent à la naissance parce que leur cerveau ne se développe pas correctement.
Dans ce travail récent, pour identifier la TCP recherchée depuis quatre décennies, l’équipe a suivi son activité, utilisé des techniques classiques de biochimie et collaboré avec des chimistes de l’Université de Stanford qui ont développé un inhibiteur ‘suicide’ de l’enzyme. Cette molécule a été utilisée comme hameçon pour ‘pêcher’ l’enzyme convoitée peu abondante dans les tissus. C’est finalement deux enzymes qui ont été découvertes! Ces dernières, dénommées VASH1 et VASH2 (vasohibin 1 et 2), étaient déjà connues des scientifiques mais sans savoir qu’il s’agissait d’enzymes en lien avec le cytosquelette. A la condition d’être associées à une protéine partenaire appelée SVBP, VASH1 et VASH2 sont capables de détyrosiner la tubuline α. La suppression de leur expression (ou de celle de leur partenaire SVBP) dans les neurones engendre une très forte diminution du taux de détyrosination de la tubuline α, ainsi que des anomalies dans la morphologie des neurones. La différenciation des neurones est retardée. En collaboration avec l’équipe “Progéniteurs Neuraux et Pathologies Cérébrales”, les chercheurs ont également montré que ces enzymes sont impliquées lors du développement du cortex cérébral.
Dorénavant, les chercheurs espèrent qu’en modulant l’efficacité de la TCP et en améliorant la connaissance du cycle détyrosination/tyrosination, il sera possible de progresser dans la compréhension de ses fonctions cérébrales et cardiaques, et de mieux lutter contre certaines maladies.
Référence:
Vasohibins/SVBP are tubulin carboxypeptidases (TCP) that regulate neuron differentiation.
Aillaud C, Bosc C, Peris L, Bosson A, Heemeryck P, Van Dijk J, Le Friec J, Boulan B, Vossier F, Sanman LE, Syed S, Amara N, Couté Y, Lafanechère L, Denarier E, Delphin C, Pelletier L, Humbert S, Bogyo M, Andrieux A, Rogowski K, Moutin MJ. Science. 2017 Nov 16. doi: 10.1126/science.aao4165.
Contact:
Marie-Jo Moutin
Grenoble Institut des Neurosciences
Equipe Physiopathologie du Cytosquelette
Inserm U1216 – UGA
Chemin Fortuné Ferrini
Bâtiment Edmond J. Safra
38700 La Tronche
Tél : 04.56.52.05.35
Mail : moutinm@univ-grenoble-alpes.fr
Construire des ponts à travers les Neurosciences
Un article commun a dernièrement été publié dans Neuron, co-signé par des neuroscientifiques reconnus appartenant à un très large panel de spécialités et de pays : Allemagne, France, Egypte, Israël, Espagne, Suisse, Etats-Unis d’Amérique, Turquie, Pakistan, Italie …
L’angle de l’article est celui des Neurosciences présentées comme étant une discipline parfaitement adaptée à la reconnexion de l’Occident et du Moyen-Orient. Après tout, la quête pour comprendre le cerveau touche à la nature même de ce que nous sommes en tant qu’individus et en tant qu’espèce. Le développement des théories et pratiques liées au cerveau a une longue tradition au Moyen-Orient, illustrée par la vision moniste de l’esprit et du corps (par opposition au dualisme cartésien) et l’importance d’une approche holistique dans le traitement des maladies psychiatriques. Contrairement à d’autres parties du monde, où les malades mentaux étaient ostracisés et possédés par les démons, le Moyen-Orient médiéval avait un fort intérêt intellectuel dans la prise en charge des troubles psychiatriques.
L’initiative TSB poursuit une stratégie qui intègre des objectifs à court et à long terme. À court terme, l’objectif est de faciliter la collaboration et la libre circulation entre les instituts de recherche existants en établissant des programmes d’échange d’étudiants et de chercheurs, en partageant des subventions de recherche collaborative et en organisant des symposiums scientifiques entre les laboratoires participants. L’objectif à long terme est la création de “Twin-Institutes TSB”, un institut de recherche étant situé dans un pays occidental et l’autre dans un pays du Moyen-Orient. Les deux établissements collaboreront intensément grâce à une infrastructure encourageant le dialogue interculturel et disposera d’un département dédié aux ressources humaines, spécialisé dans les problèmes spécifiques auxquels pourraient faire face les différents chercheurs participant aux collaborations Est-Ouest, et accordera une attention particulière à la communication des résultats de ces études au public. Il existe un grand potentiel inexploité dans les pays du Moyen-Orient. L’initiative TSB soutiendra fortement la formation locale et l’intégration des scientifiques nés dans les pays du Moyen-Orient, ayant reçu une partie de leur éducation ailleurs et souhaitant retourner dans leur pays d’origine pour y établir et nourrir une culture scientifique accomplie.
Nous nous devons de continuer à transformer le dialogue interculturel et trouver des dénominateurs communs. Avec toute une variété de systèmes de croyances humaines parfois très différente, la santé et la connaissance sont les deux choses que chaque personne chérit et mérite d’acquérir et de conserver. L’initiative TSB soutient que les progrès scientifiques seront absolument cruciaux pour la consolidation de la paix dans le monde. En biologie, la diversité permet une adaptation réussie, qu’il s’agisse de cellules, d’organismes ou de populations entières. Par analogie, la diversité culturelle et géographique devrait nous permettre d’aborder plus efficacement les problèmes les plus difficiles concernant le cerveau, tels que le mystère de la conscience et l’impact dévastateur des troubles psychiatriques et neurologiques. Le TSB vise à créer une nouvelle dimension de la recherche collaborative axée sur l’avancement de la science cérébrale fondamentale et translationnelle avec l’espoir que cette initiative ouvrira un nouveau chapitre dans l’échange scientifique Est-Ouest et contribuera profondément à l’harmonie interculturelle et au progrès scientifique.
Référence :
Lissek T, Adams M, Adelman J, Ahissar E, Akaaboune M, Akil H, al’Absi M, Arain F, Arango-Lasprilla JC, Atasoy D, Avila J, Badawi A, Bading H, Baig AM, Baleriola J, Belmonte C, Bertocchi I, Betz H, Blakemore C, Blanke O, Boehm-Sturm P, Bonhoeffer T, Bonifazi P, Brose N, Campolongo P, Celikel T, Chang CC, Chang TY, Citri A, Cline HT, Cortes JM, Cullen K, Dean K, Delgado-Garcia JM, Desroches M, Disterhoft JF, Dowling JE, Draguhn A, El-Khamisy SF, El Manira A, Enam SA, Encinas JM, Erramuzpe A, Esteban JA, Fariñas I, Fischer E, Fukunaga I, Gabilondo I, Ganten D, Gidon A, Gomez-Esteban JC, Greengard P, Grinevich V, Gruart A, Guillemin R, Hariri AR, Hassan B, Häusser M, Hayashi Y, Hussain NK, Jabbar AA, Jaber M, Jahn R, Janahi EM, Kabbaj M, Kettenmann H, Kindt M, Knafo S, Köhr G, Komai S, Krugers H, Kuhn B, Ghazal NL, Larkum ME, London M, Lutz B, Matute C, Martinez-Millan L, Maroun M, McGaugh J, Moustafa AA, Nasim A, Nave KA, Neher E, Nikolich K, Outeiro T, Palmer LM, Penagarikano O, Perez-Otano I, Pfaff DW, Poucet B, Rahman AU, Ramos-Cabrer P, Rashidy-Pour A, Roberts RJ, Rodrigues S, Sanes JR, Schaefer AT, Segal M, Segev I, Shafqat S, Siddiqui NA, Soreq H, Soriano-García E, Spanagel R, Sprengel R, Stuart G, Südhof TC, Tønnesen J, Treviño M, Uthman BM, Venter JC, Verkhratsky A, Weiss C, Wiesel TN, Yaksi E, Yizhar O, Young LJ, Young P, Zawia NH, Zugaza JL, Hasan MT.
Building Bridges through Science. Neuron. 2017 Nov 15;96(4):730-735. doi: 10.1016/j.neuron.2017.09.028.
Contact :
Mohamed Jaber
Inserm UMR_S 10184, Université de Poitiers
Courriel
Figure issue de la publication dans Neuron montrant l’objectif commun de l’initiative “science bridge”.
UN GÈNE ASSOCIÉ À LA SCHIZOPHRÉNIE CONTRÔLE L’ACTIVITÉ DES NEURONES DOPAMINERGIQUES
Une étude menée par Bertrand Lambolez et Ludovic Tricoire de l’unité Neuroscience Paris-Seine, parue le 11 juillet 2017 dans la revue Molecular Psychiatry, réconcilie deux hypothèses qui expliquent l’origine de la schizophrénie. Leurs travaux portent sur la protéine membranaire GluD1, codée par le gène Grid1, dont les mutations sont associées à des cas de schizophrénie et de troubles bipolaires.
La schizophrénie est une maladie psychiatrique caractérisée par plusieurs symptômes : des délires et hallucinations, et/ou un retrait social et des difficultés cognitives. Deux hypothèses s’affrontent pour en expliquer l’origine, impliquant deux neurotransmetteurs majeurs du cerveau, le glutamate et la dopamine. L’hypothèse dopaminergique postule qu’un dysfonctionnement des neurones qui libèrent la dopamine est en cause, tandis que l’hypothèse glutamatergique est fondée sur le fait qu’un blocage des récepteurs au glutamate mime certains symptômes de la maladie.
Le glutamate, principal neurotransmetteur excitateur du cerveau, contrôle l’activité des neurones par le biais de deux types de récepteurs : les récepteurs métabotropes (mGlu), et les ionotropes (iGlu) qui forment un canal ionique. Parmi ces derniers, le récepteur delta GluD1 a longtemps intrigué les neurobiologistes : bien que structurellement semblable aux autres récepteurs ionotropes, il ne répond pas au glutamate. Pendant des décennies, ce récepteur a donc été considéré comme « orphelin », aucune molécule endogène ne permettant l’ouverture de son canal ionique.
Dans cette étude, les chercheurs ont étudié le rôle de GluD1 dans la neurotransmission glutamatergique sur les neurones dopaminergiques (DA) du cerveau. Ils ont découvert le mode d’activation original de GluD1 : il répond indirectement glutamate, via l’activation en amont de récepteurs métabotropes mGlu 1/5 exprimés par les neurones DA. Ainsi, l’activation de mGlu 1/5 déclenche une excitation des neurones DA, supprimée par une mutation qui bloque le canal ionique de GluD1, ou par délétion du gène Grid1.
L’activité des neurones dopaminergiques in vivo présente deux profils distincts : soit une activité électrique régulière à basse fréquence, soit des bouffées d’activité électrique à haute fréquence. Ce second mode de fonctionnement est associé à un pic de libération de dopamine dans le cerveau. Des enregistrements in vivo ont révélé que les souris dont le récepteur GluD1 est muté ou absent ne présentent plus d’activité haute fréquence, démontrant la relation entre GluD1 et l’activité physiologique des neurones DA.
Ces travaux fournissent des éléments permettant de réconcilier les hypothèses dopaminergique et glutamatergique de la schizophrénie en révélant une interconnexion entre les deux types de neurotransmissions au sein même des neurones DA. En montrant que l’inactivation génétique de GluD1 abolit l’activité haute fréquence des neurones DA, ces travaux expliquent comment une altération du gène Grid1 impliqué dans la transmission glutamatergique peut mener à un dysfonctionnement du système dopaminergique. Autre résultat important : en identifiant un mode d’activation physiologique de GluD1, cette étude lève l’état « orphelin » de ce récepteur.
Références :
Benamer N, Marti F, Lujan R, Hepp R, Aubier TG, Dupin AAM, Frébourg G, Pons S, Maskos U, Faure P, Hay YA, Lambolez B, Tricoire L. GluD1, linked to schizophrenia, controls the burst firing of dopamine neurons. Mol Psychiatry. 2017 Jul 11. doi: 10.1038/mp.2017.137.
Contact chercheurs:
Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06 UM119, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) UMR8246, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) UMR-S1130, Neuroscience Paris Seine, Institut de Biologie Paris-Seine, Paris, France