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Les astrocytes, ces petites étoiles qui guident nos émotions
Une étude internationale vient de démontrer pour la première fois comment l’ocytocine, neuropeptide synthétisé au sein de l’hypothalamus, contrôle nos émotions. Elle est détectée par les astrocytes (astro – étoile et cyte – cellule), des cellules gliales encore peu étudiées, qui coordonnent et amplifient son action au sein du réseau neuronal pour diminuer l’anxiété et promouvoir notre bien-être. Ces importants résultats sont détaillés dans un article publié dans la revue Nature Neuroscience.
Le cerveau est composé de centaines de milliards de cellules, notamment des neurones qui ont été au centre de l’attention de la recherche et de la médecine, jusqu’à faire baptiser la science du système nerveux « neuroscience ». Cet enthousiasme vient du fait que les neurones ont la particularité d’avoir une activité électrique, attisant les espoirs des neuroscientifiques cherchant à décrypter le code neuronal dans le but de comprendre nos comportements les plus complexes. Si cette approche a connu des succès phénoménaux au cours de ces dernières décennies, il faut noter que le cerveau possède autant de neurones que de cellules gliales. Bien qu’initialement considérées comme de simples soutiens aux neurones, on assiste actuellement à un changement de paradigme : les cellules gliales, et plus particulièrement les astrocytes, collaborent étroitement avec les neurones pour traiter l’information sensorielle et émotionnelle. Ainsi, des substances neuroactives peuvent être détectées par les astrocytes, c’est le cas pour les neurotransmetteurs “classiques”, tels le glutamate ou l’adrénaline. Cependant, la participation des astrocytes dans la modulation des émotions par des neurohormones, telle que l’ocytocine, reste drapée de mystère. Récemment, une étude parue dans Nature Neuroscience a mis en évidence que les astrocytes peuvent détecter la présence de l’ocytocine. Ce petit peptide de 9 acides aminés a fait déjà couler beaucoup d’encre pour ses fonctions dans la régulation des émotions comme la douleur (Eliava et al., Neuron, 2016), la peur (Hasan et al., Neuron, 2019) ou le lien social (Tang et al., Nat Neuro, 2020), promouvant le bien-être de manière générale. Jusqu’alors, les scientifiques pensaient que les effets de l’ocytocine étaient uniquement médiés par son action directe sur les neurones. En étudiant son effet au sein de l’amygdale, une structure du système limbique, Wahis et al. ont découverts que l’ocytocine stimule une sous-population spécifique d’astrocytes, qui sécrète ensuite un messager augmentant l’activité des neurones, provoquant ainsi une diminution de l’anxiété et une sensation de bien-être chez le rongeur.
En plus d’identifier un nouvel acteur dans la signalisation de l’ocytocine au sein du cerveau, cette découverte étaye la théorie selon laquelle les neurones et les astrocytes seraient des canaux de communication complémentaires : les influx électriques portés par les neurones sont rapides et localisés tandis que les signaux astrocytaires sont longs et diffus, expliquant ce sentiment persistant de bien-être induit par l’ocytocine
Pour en savoir plus : Wahis J*, Baudon A*, Althammer F*, Kerspern D*, Goyon S, Hagiwara D, Lefèvre A, Barteczko L, Boury-Jamot B, Bellanger B, Abatis M, Silva da Gouveia M, Benusiglio D, Eliava M, Rozov A, Weinsanto I, Knobloch-Bollmann HS, Kirchner MK, Roy RJ, Wang H, Pertin M, Inquimbert P, Pitzer C, Siemens J, Goumon Y, Boutrel B, Lamy CM, Décosterd I, Chatton J-Y, Rouach N, Young SW, Stern JE, Poisbeau P, Stoop R, Darbon P, Grinevich V, Charlet A. Astrocytes mediate the effect of oxytocin in the central amygdala on neuronal activity and affective states in rodents. (Nature Neuroscience, in press). *Co-first authors.
Contact chercheur : Charlet Alexandre, acharlet@unistra.fr, Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, CNRS UPR3212, 8, allée du Général Rouvillois, 67000 Strasbourg
Altérations très précoces des régulations épigénétiques dans la maladie de Huntington
La maladie de Huntington affecte de façon primaire les neurones du striatum, structure cérébrale impliquée dans le contrôle des mouvements volontaires et dans certaines fonctions cognitives. Dans cette étude parue dans la revue Nature Communications, les scientifiques montrent que, chez des souris modèles de la maladie, les mécanismes épigénétiques qui contribuent à l’intégrité des neurones du striatum sont altérés bien avant l’apparition des troubles moteurs. Ces nouvelles données apportent une preuve moléculaire de la détérioration précoce et progressive du striatum « Huntington ».
La maladie de Huntington est une maladie génétique rare, diagnostiquée généralement à l’âge adulte et entraînant la mort au terme d’une évolution de 10-15 ans. Elle se caractérise par des symptômes moteurs (des mouvements involontaires) et comportementaux typiques, résultant d’une atteinte primaire des neurones du striatum, une région sous-corticale du cerveau. Quels sont les mécanismes qui sous-tendent la mort (ou dégénérescence) des neurones striataux ? Quand ces mécanismes se mettent-il en place ? Ces questions restent encore largement ouvertes. Y apporter des réponses est essentiel, puisque le succès d’une thérapie dépend à la fois de la spécificité du traitement et de la précocité du diagnostic.
La dégénérescence des neurones du striatum chez les patients Huntington survient au terme d’une longue période de dysfonctionnement, portant atteinte à leur identité. Au cours du développement, les cellules se différencient en types cellulaires définis (par exemple, une cellule musculaire, hépatique, neuronale, etc…), acquérant ainsi une fonction et une identité précises. L’acquisition et le maintien d’une fonction/identité cellulaire au sein d’un organisme est sous le contrôle de mécanismes épigénétiques, c’est-à-dire de mécanismes capables de modifier l’état de compaction de la chromatine, et en conséquence l’accessibilité des gènes. Ainsi, certaines modifications chimiques sur les histones -un composant majeur de la chromatine- comme l’acétylation favorisent un état relâché de la chromatine, permettant l’expression des gènes. Les gènes qui définissent la fonction/l’identité d’une cellule sont fortement exprimés, et la chromatine qui les porte est régionalement hyper-acétylée.
On savait que l’expression des gènes de l’identité striatale et l’acétylation de la chromatine associée étaient réduites chez les patients Huntington et chez des souris modèles symptomatiques. Cette nouvelle étude révèle que la perte sélective d’acétylation des histones au niveau des gènes de l’identité striatale se met en place très précocement, bien avant l’apparition des déficits moteurs chez la souris, et que ce processus a pour effet une accélération des mécanismes épigénétiques liés au vieillissement.
La maladie de Huntington est causée par une mutation unique, une répétition anormale de codons CAG dans le gène Huntingtine (HTT). Les scientifiques montrent que des altérations épigénétiques ciblent plus spécifiquement le gène muté. Les résultats indiquent que la présence de la mutation chez la souris modifie précocement l’organisation tridimensionnelle de la chromatine et l’expression des gènes associés.
Ces travaux améliorent ainsi la compréhension du processus pathogénique de la maladie de Huntington, en montrant que la mutation en cause affecte précocement la chromatine du striatum par deux mécanismes distincts.
Référence: Age-related and disease locus-specific mechanisms contribute to early remodelling of chromatin structure in Huntington’s disease mice. Alcal.-Vida R, Seguin J, Lotz C, Molitor AM, Irastorza-Azcarate I, Awada A, Karasu N, Bombardier A, Cosquer B, Gomez Skarmeta JL, Cassel JC, Boutillier AL, Sexton T, Merienne K
Nature communications 13 Janvier 2021. https://doi.org/10.1038/s41467-020-20605-2
Contact chercheuse: Karine Merienne, Chercheuse CNRS au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA). karine.merienne@unistra.fr
Modifier les macrophages à la périphérie a la capacité de changer la réactivité microgliale et de ralentir la progression de la maladie des souris SLA
La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) aussi connue sous le nom de maladie de Charcot est la maladie du motoneurone la plus répandue. Des études antérieures dont celles du Dr Boillée avaient montré que les cellules dans l’environnement des motoneurones participaient à la progression de la maladie et notamment les cellules microgliales, macrophages du SNC. Cependant, ces études n’avaient pas distingué les contributions respectives des cellules microgliales et des macrophages à la périphérie. Or, les motoneurones spinaux ont leur corps cellulaire dans le SNC et sont donc entourés de cellules microgliales alors que leur axone qui s’étant à la périphérie pour se connecter aux muscles est entouré de macrophages périphériques. Sachant que les cellules microgliales ont des origines développementales différentes et sont dans des environnements distincts, l’hypothèse de l’équipe du Dr Boillée a été que les macrophages périphériques pourraient avoir un rôle particulier au cours de la dégénérescence motoneuronale.
Dans cette étude Chiot et collaborateurs ont d’abord montré que les macrophages dans les nerfs périphériques étaient progressivement activés au cours de la maladie chez les souris SLA et que des macrophages activés étaient aussi retrouvés dans les nerfs périphériques des patients SLA. Afin d’analyser le rôle des macrophages périphériques, les macrophages des souris SLA ont été remplacés par des macrophages contrôles ou plus neurotrophiques ou moins neurotoxiques, à l’aide de greffe de moelle osseuse sans remplacer les cellules microgliales. Le remplacement par les macrophages plus neurotrophiques a permis de réduire l’activation des macrophages périphériques mais aussi des cellules microgliales, de ralentir la progression de la maladie et d’augmenter la survie des souris SLA. L’analyse du transcriptome (par RNAseq) des macrophages périphériques des nerfs sciatiques de souris SLA tout au long de la maladie comparé au transcriptome des cellules microgliales a montré que ces deux types cellulaires réagissaient de manière très différente à la même atteinte des motoneurones. Les souris greffées ayant survécu plus longtemps avaient une réponse immunitaire des macrophages périphériques atténuée mais aussi une modification du transciptome microglial vers un profil de soutien neuronal.
Les macrophages périphériques et les cellules microgliales doivent donc être considérés comme deux types cellulaires distincts et les macrophages périphériques pourraient constituer une nouvelle cible thérapeutique pour la SLA, plus facile à atteindre que les cellules microgliales dans le SNC.
Source :
Chiot A, Zaïdi S, Iltis C, Ribon M, Berriat F, Schiaffino L, Jolly A, de la Grange P, Mallat M, Bohl D, Millecamps S, Seilhean D, Lobsiger CS, Boillée S. Modifying macrophages at the periphery has the capacity to change microglial reactivity and to extend ALS survival. Nat Neurosci. 2020 Nov;23(11):1339-1351. doi: 10.1038/s41593-020-00718-z
Contact chercheuse:
Séverine Boillée, Institut du Cerveau, Paris
Le double jeu de l’APP: fonction et dysfonction neuronale
La maladie d’Alzheimer (MA) est la principale cause de démence. Elle se caractérise par l’association de deux types de lésions: (i) la dégénérescence neurofibrillaires constituées de protéines Tau hyperphosphorylées et (ii) des plaques amyloïdes extracellulaires formées d’agrégats de peptides β-amyloïdes (Aβ) résultant du clivage de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP). L’identification de mutations dans les formes autosomiques dominantes à début précoce a placé le métabolisme anormal de l’APP au centre de la maladie, renforçant ainsi l’hypothèse de la cascade amyloïde: la surproduction de peptides Aβ – en particulier les formes plus longues que l’on pense être plus neurotoxiques – pourrait conduire à (ou favoriser) la pathologie Tau et la mort neuronale. Cependant, une grande partie des acteurs moléculaires régulant le metabolisme de l’APP n’a pas encore été caractérisée.
De façon intéressante, les études d’association à l’échelle du génome (GWAS) ont identifié un grand nombre de gènes augmentant le risque de développer les formes les plus courantes de la MA. On peut raisonnablement supposer que certains de ces facteurs génétiques seraient impliqués dans le métabolisme de l’APP et la production d’Aβ. Dans ce contexte, nous avons combiné deux criblages à haut débit à l’échelle du génome pour évaluer l’impact fonctionnel des gènes et microARNR (miRNA) sur le métabolisme de l’APP. Cette approche a mis en évidence l’implication du un facteur de risque génétique FERMT2 (ou Kindlin-2), en tant que modulateur clé potentiel du guidage axonal; un processus neuronal qui dépend de la régulation du métabolisme de l’APP. Nous avons constaté que FERMT2 interagit directement avec APP pour moduler son métabolisme et que la sous-expression de FERMT2 affecte la croissance axonale, la connectivité synaptique et la potentialisation à long terme d’une manière dépendante de l’APP. Enfin, l’allèle rs7143400-T, associé à un risque accru de MA et localisé dans le 3’UTR de FERMT2, a induit une régulation à la baisse de l’expression de FERMT2 par liaison du miR-4504. Ce miARN est principalement exprimé dans les neurones et significativement surexprimé dans les cerveaux de patients par rapport aux témoins. Dans l’ensemble, nos données fournissent des arguments en faveur d’un effet déletère de la sous-expression de FERMT2 dans les neurones et un aperçu de la façon dont cela peut influencer le développement de la MA.
Reference: Alzheimer’s genetic risk factor FERMT2 (Kindlin-2) controls axonal growth and synaptic plasticity in an APP-dependent manner. Eysert F, Coulon A, Boscher E, Vreulx AC, Flaig A, Mendes T, Hughes S, Grenier-Boley B, Hanoulle X, Demiautte F, Bauer C, Marttinen M, Takalo M, Amouyel P, Desai S, Pike I, Hiltunen M, Chécler F, Farinelli M, Delay C, Malmanche N, Hébert SS, Dumont J, Kilinc D, Lambert JC, Chapuis J. Mol Psychiatry. 2020 Nov 3. doi: 10.1038/s41380-020-00926-w. Online ahead of print. PMID: 33144711
Contact chercheur: Julien Chapuis, PhD
Unité INSERM-1167, “Facteurs de risque et déterminants moléculaires des maladies liées au vieillissement”, Lille.
Alzheimer’s disease (AD) is the principal cause of dementia. AD is characterized by two main pathological hallmarks: (i) intracellular neurofibrillary tangles consisting of hyper-phosphorylated Tau proteins and (ii) extracellular amyloid plaques consisting of aggregates of β-amyloid (Aβ) peptides resulting from the processing of amyloid precursor protein (APP). The identification of early-onset autosomal dominant AD-linked mutations have placed abnormal APP metabolism at the center of the disease, further supporting the amyloid cascade hypothesis: the overproduction of Aβ peptides –especially the longer forms that are thought to be more neurotoxic– may lead to (or favor) Tau pathology and subsequent neuronal death. However, a large proportion of the key molecular players in APP trafficking have yet to been characterized.
Interestingly, Genome-Wide Association Studies (GWASs) identify a large number of novel risk-increasing loci in common late-onset form of AD. One can reasonably assume that some of these genetic factors are involved in APP metabolism and Aβ production. In this context, we combined two genome-wide high-content screenings to assess the functional impact of miRNAs and genes on APP metabolism. This approach highlighted the involvement of FERMT2 (or Kindlin-2), a genetic risk factor of AD, as a potential key modulator of axon guidance; a neuronal process that depends on the regulation of APP metabolism. We found that FERMT2 directly interacts with APP to modulate its metabolism and that FERMT2 under-expression impacts axonal growth, synaptic connectivity and long-term potentiation in an APP-dependent manner. Lastly, the rs7143400-T allele, which is associated with an increased AD risk and localized within the 3’UTR of FERMT2, induced a down-regulation of FERMT2 expression through binding of miR-4504 among others. This miRNA is mainly expressed in neurons and significantly overexpressed in AD brains compared to controls. Altogether, our data provide strong evidence for a detrimental effect of FERMT2 under-expression in neurons and insight on how this may influence AD pathogenesis.
Maladie de Huntington: des anomalies cérébrales détectables dès le stade embryonnaire chez l’homme
La maladie de Huntington – comme la maladie d’Alzheimer, de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique- fait partie de la famille des maladies qui se manifestent à l’âge adulte alors que -en ce qui concerne les formes héréditaires- l’anomalie génétique est présente dès la conception. Par exemple, la protéine huntingtine (HTT) dont la mutation du gène par expansion de triplets CAG conduit à la maladie, est exprimée très précocement dans le développement pendant lequel elle joue un rôle essentiel. La HTT mutante interfère avec plusieurs étapes du développement de certaines régions cérébrales, dont le cortex. De plus, l’expression de la HTT mutante restreinte au développement suffit à produire des caractéristiques de la maladie de Huntington chez des souris adultes suggérant qu’il y a une composante développementale à la maladie.
Savoir si le développement cérébral humain précoce est modifié restait une question centrale dans le domaine. Pour y répondre, les équipes de Sandrine Humbert, directrice de recherche Inserm au Grenoble Institut des neurosciences (Inserm/Université Grenoble Alpes), et Alexandra Durr, professeur des universités-praticien hospitalier à Sorbonne Université, à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière – AP-HP et à l’Institut du cerveau (Inserm/Sorbonne Université/CNRS/AP-HP) ont examiné des tissus de fœtus humains porteurs de l’expansion pathologique de triplet CAG dans le gène HTT, issus de dons des parents suite à une interruption médicale de grossesse. Ces tissus présentent des anomalies dans le cortex en développement, notamment une mauvaise localisation de la huntingtine mutante et de protéines de complexes de jonction, des défauts de polarité et de différenciation des précurseurs neuronaux, une ciliogénèse anormale et des changements dans la mitose et la progression du cycle cellulaire. Ces anomalies perturbent l’équilibre « division-différentiation » des cellules progénitrices. Celles-ci sont en effet issues d’un réservoir de cellules en division dont une partie se différencie en neurones tandis que l’autre continue de se diviser pour fournir de nouvelles cellules progénitrices. Chez les embryons porteurs de la mutation, ces cellules progénitrices entrent plus vite en différenciation au dépend du réservoir de cellules en division.
Ces travaux fournissent donc la première preuve directe provenant de fœtus humains que le développement du cerveau est altéré dans une maladie neurodégénérative se manifestant à l’âge adulte. Cette découverte ouvre un champ de nouvelles investigations visant à comprendre comment ces défauts précoces contribuent à la pathologie adulte et comment la compensation de ces derniers est régulée. Cette découverte a aussi des conséquences importantes pour la façon et le stade auxquels les traitements qui modifient le cours de la maladie doivent être envisagés.
Reference
Huntington disease alters human neurodevelopment. M Barnat, M Capizzi, E Aparicio, S Boluda, D Wennagel, R Kacher, R Kassem, S Lenoir, F Agasse, BY Braz, JP Liu, J Ighil, A Tessier, SO Zeitlin, C Duyckaerts, M Dommergues, A Durr, S Humbert. Science, 2020, 10.1126/science.aax3338
Contact chercheuses
Univ.Grenoble Alpes, INSERM,U1216, Grenoble Institut Neurosciences, Grenoble, France
Institut du Cerveau et de la MoelleEpinière (ICM), Genetics, AP HP, Sorbonne University, InsermU1127, CNRSUMR7225, Pitié-Salpêtrière Hospital, Paris, France.
Huntington disease alters human neurodevelopment
Huntington disease – like amyotrophic lateral sclerosis and Alzheimer’s and Parkinson’s disease – is part of the family of diseases that shared a delayed onset in mid-adulthood despite the expression, at least in hereditary cases, of the disease-driving protein from the first days of life. For example, huntingtin, the protein mutated in Huntington disease, is expressed very early in development during which it plays a key role. In mice, mutant huntingtin interferes with several stages of development in certain brain regions, including the cortex. Furthermore, expression of mutant huntingtin restricted to development is sufficient to produce features of Huntington’s disease in adult mice suggesting that there is a developmental component to the disease.
Nevertheless, whether early human brain development is altered remained a central question in the field. To answer it, teams led Sandrine Humbert, research director, INSERM (the French National Institute for Health and Medical Research) and group leader at the Grenoble Institut des Neurosciences, and by Alexandra Durr, professor at Sorbonne University and team leader in the Paris Brain Institute at Pitie-Salpêtrière Hospital, Paris had access to fetal tissue from families that terminated their pregnancy in the context of a prenatal test. The developing fetus carried the Huntington disease gene mutation. These tissues showed abnormalities in the developing cortex, including abnormal localization of mutant huntingtin and junction complex proteins, defects in polarity and differentiation of neural precursors, abnormal ciliogenesis, and changes in mitosis and cell cycle progression. These abnormalities disrupt the “division-differentiation” balance of progenitor cells. Progenitor cells come from a pool of dividing cells, some of which differentiate into neurons while the other continues to divide to provide new progenitor cells. In Huntington disease gene carrier embryos, these progenitor cells differentiate more rapidly at the expense of the pool of dividing cells.
This work provides the first direct evidence from human fetuses that brain development is impaired in a neurodegenerative disease with delayed onset. This discovery opens up a field of new investigations aimed at understanding how these early defects contribute to adult pathology and how their compensation is regulated. This discovery also has important implications for the way and stage at which disease-modifying treatments should be considered.
Le contact tactile favorise les interactions sociales via l’ocytocine
Une étude internationale vient de démontrer pour la première fois que par quel biais l’ocytocine, neuropeptide synthétisé au sein de l’hypothalamus, facilite les interactions sociales : un contact physique active des neurones parvocellulaires de l’hypothalamus, qui coordonnent la sécrétion d’ocytocine pour promouvoir les comportements prosociaux. Ces importants résultats sont détaillés dans un article publié dans la revue Nature Neuroscience.
De la plus douce caresse au coup le plus violent, le toucher est au cœur de notre expérience sensorielle et façonne notre manière de percevoir le monde, particulièrement lors d’interactions intimes avec d’autres êtres humains. Pourtant, bien que le sens du toucher soit au centre de notre perception, cette modalité a toujours été éclipsée par la vision ou l’audition dans la philosophie, la recherche scientifique et la psychologie. Au cours de l’évolution, les vertébrés ont développé une pléthore de systèmes sensoriels sophistiqués, qui représentent un avantage évolutif certain et impliquent la capacité de discriminer les différentes formes de contacts selon qu’ils soient nociceptifs ou non, désagréables ou agréables. Le contact social est un prérequis pour l’intimité, d’une importance primordiale pour la formation de relations de confiance, et ainsi, plusieurs formes de touchers, de toilettages et de caresses ont pu être observés chez les rongeurs, les félins ou encore les primates.
L’établissement et la maintenance de hiérarchies sociales sont modulés par diverses molécules dans le cerveau. Durant la dernière décennie, l’une d’entre elle a émergé comme actrice majeure : le neuropeptide ocytocine. L’ocytocine, en plus de permettre l’accouchement et la lactation, modifie le fonctionnement du cerveau pour réguler les émotions, les relations sexuelles ainsi que l’attachement amoureux ou les comportements parentaux. Cependant, les aspects mécanistiques par lesquels l’ocytocine favorise ces comportements prosociaux, et ce qui déclenche la libération de ce neuropeptide sont encore des questions en suspens.
Dans une récente étude, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Neuroscience (Tang et al., 2020), l’équipe internationale animée et coordonnée par les Drs. Alexandre Charlet (France) et Valery Grinevich (Allemagne) révèle qu’une petite population de neurones à ocytocine, dénommée parvocellulaires, du fait de leur petite taille, sont responsables de la traduction des signaux sensoriels physiques en diverses formes de comportements sociaux.
Pour ce faire, ils ont enregistré les neurones synthétisant l’ocytocine chez des rats femelles se déplaçant librement et interagissant avec une congénère. Leurs analyses montrent que les neurones à ocytocines sont particulièrement actifs lors d’un contact tactile entre deux animaux. Les auteurs ont utilisé de nombreuses techniques complémentaires, de l’imagerie calcique à l’évaluation comportementale, en passant par la manipulation optogénétique de neurones spécifiques, pour montrer que l’activation de ces neurones induit l’excitation d’une population de neurones ocytocinergiques bien plus grande, ce qui favorise alors l’interaction entre femelles. Ces découvertes fournissent des notions fondamentalement nouvelles sur la manière dont ce neuropeptide orchestre les comportements sociaux. De plus, les résultats obtenus dans ce travail supportent une vision de l’ocytocine comme un puissant agent pour traiter certains troubles psychiatriques : une combinaison de stimulus tactiles (par exemple un massage) et une administration d’ocytocine intra nasale pourraient atténuer les altérations socio-émotionnelles chez les patients atteints de maladies mentales, comme l’autisme ou bien le trouble de stress posttraumatique.
Pour en savoir plus :
Tang Y*, Benusiglio D*, Lefevre A*, Hilfiger L*, Althammer F, Bludau A, Hagiwara D, Baudon A, Darbon P, Schimmer J, Kirchner MK, Roy RK, Wang S, Eliava M, Wagner S, Oberhuber M, Conzelmann KK, Schwarz M, Stern JE, Leng G, Neumann ID, Charlet A#, Grinevich V#. Social touch promotes interfemale communication via activation of parvocellular oxytocin neurons. Nat Neurosci. 2020 Jul 27. doi: 10.1038/s41593-020-0674-y.
#Corresponding and Co-senior authors; *Co-first authors.
Contact chercheur :
Alexandre Charlet, CRCN CNRS,
Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, CNRS UPR3212, Strasbourg
© Illustration A. Charlet & V. Grinevich
Paris capitale des neurosciences en 2022 !
La Société des Neurosciences se félicite du choix de Paris pour accueillir le FENS Forum 2022 !
Il faut être trois pour danser le tango : la synapse tripartite révélée par la microscopie superresolutive
Les astrocytes sont les cellules gliales les plus nombreuses dans le cerveau. Elles utilisent les signaux calciques pour réguler leur activité biochimique et communiquer avec les autres cellules du cerveau. Alors que chaque astrocyte est en principe bien placé pour influencer avec une grande dextérité les milliers de connexions synaptiques qui se trouvent dans leurs domaines anatomiques respectifs, les signaux calciques astrocytaires ont longtemps été considérés comme trop lents et diffus pour servir de médiateurs à tout type d’actions rapides et spécifiques. Cependant, cette idée résulte d’études contraintes par une microscopie à faible résolution, qui ne peut accéder aux signalisations calciques que dans les compartiments cellulaires les plus gros tels que le corps cellulaire et les principaux prolongements émergent de celui-ci. Des travaux plus récents ont cependant montré que des signaux calciques rapides et localisés pouvaient être générés dans les prolongements astrocytaires extrêmement fins qui interagissent directement avec les synapses, rappelant ainsi les signaux utilisés par les neurones pour opérer une communication point-à-point à grande vitesse. Cependant, la base morphologique de ces signaux astrocytaires rapides et localisés n’était pas connue, en raison des difficultés à résoudre la morphologie complexe des astrocytes (et des synapses), tout en enregistrant leur activité calcique dans le tissu cérébral vivant. Pour surmonter ce problème, nous nous sommes tournés vers la microscopie 3D-STED, qui offre une résolution spatiale beaucoup plus élevée que la microscopie optique classique et permet de révéler la morphologie des astrocytes et des neurones de manière très détaillée. En combinant ce type de microscopie avec l’imagerie confocale calcique permettant de mesurer l’activité calcique, et des expériences de FRAP pour évaluer les propriétés biophysiques, nous avons pu élucider les bases anatomiques des signaux calciques dans les astrocytes. Nous avons observé que les prolongements astrocytaires forment un réseau réticulaire de nœuds et de branches qui s’organisent autour de structures en forme d’anneau. Les nœuds présentent des signaux calciques spontanés, localisés la plupart du temps, mais qui peuvent également se propager aux nœuds voisins via des structures en branches. Les expériences de FRAP ont montré que cette organisation permet une signalisation compartimentée, mais aussi la propagation du signal à travers plusieurs nœuds. La superposition des données calciques avec la morphologie fine des structures astrocytaires a révélé que la majorité des signaux calciques sont associés à des synapses individuelles, ce qui suggère que les astrocytes sont capables d’engager une communication avec des synapses spécifiques. Notre étude apporte donc un nouvel éclairage sur l’organisation à l’échelle nanométrique des astrocytes dans le tissu cérébral vivant (tranches organotypiques et aiguës et in vivo), en révélant une organisation en « nœuds » pouvant réguler la communication neuronale à l’échelle de “synapses tripartites” individuelles.
It takes three to tango: the tripartite synapse revealed by super-resolution microscopy
Astrocytes, which are the most numerous glial cells in the brain, use Ca2+ signals to regulate their biochemical activity and communication with other brain cells. While single astrocytes are in principle well positioned to influence thousands of neuronal synapses that lie within their anatomical domain with great dexterity, astrocytic Ca2+ signals have long been thought to be too sluggish and sprawling for mediating any type of fast and specific actions. However, this view has come from low-resolution studies that have looked at the soma and major branches of the astrocytes. More recent work on the tiny but relevant astrocytic processes that actually contact synapses suggests that the situation may be similar to neurons, where fast and local synaptic Ca2+ signals mediate high-speed point-to-point communication. However, the anatomical basis of such specific signaling by astrocytes has remained unclear, owing to difficulties in resolving the complex morphology of astrocytes (and synapses), while also recording their Ca2+ activity in live brain tissue.
To overcome this problem, we turned to 3D-STED microscopy, which offers a much higher spatial resolution than regular light microscopy and can reveal the morphology of astrocytes and neurons in great detail. By combining it with confocal Ca2+ imaging to monitor Ca2+ activity, and FRAP experiments to assess biophysical properties, we could elucidate the anatomical basis of Ca2+ signals in astrocytes. We observed that astrocytic processes form a reticular meshwork of nodes and shafts that formed ring-like structures. The nodes exhibited spontaneous Ca2+ signals that stayed local most of the time, but could also spread to neighboring nodes via the shafts. FRAP experiments established that the astrocytic node/shaft structure generally supports compartmentalized signaling, yet also permits signal propagation across multiple nodes. Mapping the Ca2+ data onto the STED images of the morphology, showed that the majority of astrocytic Ca2+ signals were associated with single synapses suggesting that astrocytes are capable of engaging in synapse-specific communication.
Altogether, our study shines new light on the nanoscale organization of astrocytes in live brain tissue (organotypic and acute brain slices and in vivo), identifying astrocytic nodes as the elusive anatomical structure that may regulate neuronal communication at single ‘tripartite synapses’.
Reference:
Structural basis of astrocytic Ca2+ signals at tripartite synapses
Misa Arizono, V. V. G. Krishna Inavalli, Aude Panatier, Thomas Pfeiffer, Julie Angibaud, Florian Levet, Mirelle J. T. Ter Veer, Jillian Stobart, Luigi Bellocchio, Katsuhiko Mikoshiba, Giovanni Marsicano, Bruno Weber, Stéphane H. R. Oliet & U. Valentin Nägerl
Nature Communications volume 11, Article number: 1906 (2020)
https://www.nature.com/articles/s41467-020-15648-4
Contact chercheur:
Valentin Nägerl, IINS, valentin.nagerl@u-bordeaux.fr
Intestin et cerveau dans la maladie de Parkinson : une voie à double sens
Plusieurs études ont récemment montré que la maladie de Parkinson pourrait trouver son origine dans l’intestin. En effet, des agrégats de la protéine alpha-synucléine, jouant un rôle clé dans le développement de la maladie, sont présents dans l’intestin. Une étude récente menée par une équipe franco-espagnole, chez des primates non-humains, montre que, non seulement la pathologie liée à l’alpha-synucléine peut être transportée de l’intestin vers le cerveau, mais aussi du cerveau à l’intestin. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur notre compréhension du rôle de l’axe intestin/cerveau dans l’initiation et la propagation de la pathologie de la maladie de Parkinson.
La maladie de Parkinson est caractérisée, d’une part par la mort cellulaire d’une population neuronale spécifique, et d’autre part, par l’accumulation de la protéine alpha-synucléine dans ces cellules. L’idée que l’axe intestin-cerveau pourrait jouer un rôle dans l’initiation de la maladie a vu le jour en 2003 lorsqu’une équipe de neuro-anatomistes a découvert la présence d’inclusions d’alpha-synucléine dans le système nerveux entérique (i.e. intestin) de personnes décédées de la maladie de Parkinson. Cette découverte a permis de développer l’hypothèse selon laquelle la pathologie liée à l’accumulation d’alpha-synucléine se propagerait de l’intestin au cerveau. Cependant, l’origine intestinale de la MP n’a pas été prouvée chez les primates non humains et la possibilité que l’alpha-synucléine soit également transportée du cerveau à l’intestin est toujours à l’étude.
Des données récentes montrent que l’injection dans le cerveau d’agrégats d’alpha-synucléine provenant de cerveaux parkinsoniens peuvent initier et propager le processus neurodégénératif qui caractérise la maladie de Parkinson, chez la souris et le primate. L’étude entreprise ici chez les primates non-humains montre que l’injection d’agrégats d’alpha-synucléine provenant de cerveaux parkinsoniens, induit :
1- une neurodégénérescence, deux ans après l’injection, indépendant du site d’injection, cerveau ou bien intestin ;
2- des dépôts de la forme pathologique de la protéine alpha-synucléine, à la fois dans le système entérique et dans le cerveau. Il existe une corrélation entre le niveau élevé d’alpha-synucléine dans les neurones entériques et la neurodégénérescence progressive de la voie nigrostriatale ;
3- une accumulation d’une forme pathologique de l’alpha-synucléine, à la fois dans le cerveau et dans le système entérique, suite à une injection intracérébrale.
Ces résultats indiquent que la propagation de l’alpha-synucléine peut avoir lieu non seulement de l’intestin vers le cerveau, mais également du cerveau vers l’intestin. Comprendre comment la maladie se développe au fil du temps pourrait ouvrir la porte au développement de nouvelles approches thérapeutiques. Bien que d’autres expériences soient nécessaires, l’étude suggère également que la transmission de la pathologie de la α-synucléine ne passerait pas par le nerf vague comme cela avait été suggéré précédemment mais via un mécanisme systémique possible, dans lequel la circulation générale agirait comme une voie de transmission bidirectionnelle à longue distance de la α-synucléine endogène, renforçant le rôle prédictif de l’alpha-synucléine en tant que biomarqueur.
There is growing evidence that Parkinson’s disease (PD) may begin in the gut, with aggregates of the protein alpha-synuclein arising in the gut, playing a key role in the development of the disease. In experiments in non-human primates, a team of Spanish and French researchers say they have found additional evidence that brain alpha-synuclein can also travels down to the gut. This study offers a new invaluable primate data exploring the role of the gut-brain axis in the initiation and propagation of PD pathology.
Parkinson’s disease is characterized by the cell death of a specific neuronal population and by the buildup of a misfolded protein, called alpha-synuclein, in the cells of the brain. The research about the gut-brain axis emerged in 2003 when a neuroanatomists team spotted alpha-synuclein inclusions within the enteric nervous system of people who had died with PD. They proposed a staging scheme in which α-synuclein pathology spread from the gut to the brain. However, the intestinal origin of PD has not been proved in nonhuman primates and the bidirectional travel of alpha-synuclein is still under investigation. Recent data show that extracted α-synuclein aggregates of brains of dead patients have the ability to initiate and extend the neurodegenerative process that typifies Parkinson’s disease in mice and primates.
The study conducted in non-human primates shows that injection of extracted α-synuclein aggregates from PD patients have the ability to induce:
1- Two years after administration, injected monkeys displayed neurodegeneration regardless of the injection site, in the brain or in the gut.
2- Alpha-synuclein deposits of the pathological form of the protein was observed both in the enteric system and in the brain. We can observe a high α-synuclein level in enteric neurons correlated with the progressive destruction of the nigrostriatal pathway.
3- When the aggregates were injected into the brain, pathologic form of alpha-synuclein was observed both in the brain and in the enteric system and vice-versa.
These results indicate that both brain and gut injections of aggregates can induce α-synuclein pathology in the enteric system, demonstrating the bidirectional long-distance propagation of α-synuclein pathology between the brain and the gut in the non-human primate. Although further experiments are necessary, the study also suggests that the transmission of α-synuclein pathology does not go through the vagus nerve as it was previously suggested, but through a possible systemic mechanism, in which the general circulation would act as a route for long-distance bidirectional transmission of endogenous α-synuclein” explained Dr. Dehay, strengthening the predictive role of alpha-synuclein as a biomarker.
Pour en savoir plus:
Bidirectional gut-to-brain and brain-to-gut propagation of synucleinopathy in non-human primates. Arotcarena ML, Dovero S, Prigent A, Bourdenx M, Camus S, Porras G, Thiolat ML, Tasselli M, Aubert P, Kruse N, Mollenhauer B, Trigo-Damas I, Estrada C, Garcia-Carrillo N, Vaikath NN, El-Agnaf OMA, Herrero MT, Vila M, Obeso JA, Derkinderen P, Dehay B, Bezard E. Brain. 2020 May 1;143(5):1462-1475.
Contact chercheurs:
Benjamin Dehay, Ph.D
Erwan Bézard, Ph.D
Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN), CNRS UMR 5293, Université de Bordeaux
Figure : Les injections cérébrales et intestinales d’une fraction enrichie d’agrégats humains d’alpha-synucléine induisent : 1 une dégénérescence nigro-striatale, 2 une pathologie alpha-synucléine dans le système nerveux central et 3 une pathologie alpha-synucléine dans le système entérique.
© Celine Perier
Expression enrichie des gènes de l’obésité dans des régions cérébrales clefs de l’addiction et de la récompense
L’obésité, qui est une maladie multifactorielle d’origine génétique et environnementale, est un enjeu majeur de santé publique dont la prévalence dans le monde a doublé pendant les 30 dernières années. Contrairement aux idées reçues, la composante génétique de l’obésité est très importante : en effet, les études réalisées à partir de familles, de jumeaux et d’enfants adoptés, ont permis d’évaluer une héritabilité élevée de la maladie, estimée autour de 70%.
Depuis 2007, les études d’association pangénomique (GWAS), basées sur l’utilisation de puces à ADN permettant de tester des centaines de milliers de variants fréquents dans la population générale, ont permis d’identifier plusieurs centaines de variants de l’ADN significativement associés à une augmentation de l’indice de masse corporelle ou du risque d’obésité. En d’autres termes, il a été démontré (et confirmé) que ces variants de l’ADN sont significativement plus fréquents chez les sujets obèses que chez les sujets normopondéraux. Cependant, malgré ce succès, les avancées physiopathologiques émanant de ces études GWAS ont été très décevantes. Ce constat est principalement lié au fait que ces variants de l’ADN ont un effet faible sur le risque de maladie. Par conséquent, il a été très complexe de d’évaluer leurs effets fonctionnels dans des modèles in vitro ou in vivo.
La grande majorité des variants identifiés par les études GWAS étant situés dans des zones intergéniques de l’ADN, nous avons au laboratoire analysé l’expression des gènes les plus proches des signaux d’association dans une grande variété de tissus humains (incluant plusieurs régions cérébrales), via une technologie permettant un comptage direct des ARN messagers sans aucune étape d’amplification évitant des biais. Nous avons trouvé que l’expression de ces gènes était très significativement enrichie dans la substance noire et l’insula, c’est-à-dire deux régions cérébrales impliquées dans les phénomènes de récompense et d’addiction. De plus, dans la cohorte issue de la population générale française D.E.S.I.R., nous avons démontré que les variants de l’ADN dont l’expression des gènes en proxy montrait le plus fort enrichissement dans la substance noire et l’insula, étaient au final les plus associés à une augmentation de l’indice de masse corporelle.
Par cette étude, nous montrons que la composante génétique humaine de l’obésité s’exprime avant tout dans des zones cérébrales ayant un rôle clef dans les phénomènes d’addiction et de récompense. Ce résultat se démarque très nettement des formes rares et sévères d’obésité monogénique, dont les gènes (par exemple MC4R, LEP, LEPR, POMC, SIM1, PCSK1, ADCY3, NTRK2, BDNF, SH2B1) jouent un rôle majeur dans la satiété et dans différentes voies neuro-endocrines, avec parfois un rôle dans le développement cérébral (comme SIM1). Nos résultats permettent d’envisager différemment la prise en charge des patients obèses : en effet, il faudrait inclure une prise en charge comportementale pour lutter contre l’addiction, et éviter les régimes restrictifs qui alimenteraient un sentiment de manque.
Référence :
Ndiaye FK, Huyvaert M, Ortalli A, Canouil M, Lecoeur C, Verbanck M, Lobbens S, Khamis A, Marselli L, Marchetti P, Kerr-Conte J, Pattou F, Marre M, Roussel R, Balkau B, Froguel P, Bonnefond A. The expression of genes in top obesity-associated loci is enriched in insula and substantia nigra brain regions involved in addiction and reward. Int J Obes (Lond). 2020 Feb;44(2):539-543. doi: 10.1038/s41366-019-0428-7. Epub 2019 Aug 6. PubMed PMID: 31388097; PubMed Central PMCID: PMC7002163.
Contact: Amélie Bonnefond
CNRS UMR 8199, European Genomic Institute for Diabetes (EGID)
Institut Pasteur de Lille, Université de Lille