UN GÈNE ASSOCIÉ À LA SCHIZOPHRÉNIE CONTRÔLE L’ACTIVITÉ DES NEURONES DOPAMINERGIQUES par Contributeur 04.12.2017 à 04h12
Une étude menée par Bertrand Lambolez et Ludovic Tricoire de l’unité Neuroscience Paris-Seine, parue le 11 juillet 2017 dans la revue Molecular Psychiatry, réconcilie deux hypothèses qui expliquent l’origine de la schizophrénie. Leurs travaux portent sur la protéine membranaire GluD1, codée par le gène Grid1, dont les mutations sont associées à des cas de schizophrénie et de troubles bipolaires.
La schizophrénie est une maladie psychiatrique caractérisée par plusieurs symptômes : des délires et hallucinations, et/ou un retrait social et des difficultés cognitives. Deux hypothèses s’affrontent pour en expliquer l’origine, impliquant deux neurotransmetteurs majeurs du cerveau, le glutamate et la dopamine. L’hypothèse dopaminergique postule qu’un dysfonctionnement des neurones qui libèrent la dopamine est en cause, tandis que l’hypothèse glutamatergique est fondée sur le fait qu’un blocage des récepteurs au glutamate mime certains symptômes de la maladie.
Le glutamate, principal neurotransmetteur excitateur du cerveau, contrôle l’activité des neurones par le biais de deux types de récepteurs : les récepteurs métabotropes (mGlu), et les ionotropes (iGlu) qui forment un canal ionique. Parmi ces derniers, le récepteur delta GluD1 a longtemps intrigué les neurobiologistes : bien que structurellement semblable aux autres récepteurs ionotropes, il ne répond pas au glutamate. Pendant des décennies, ce récepteur a donc été considéré comme « orphelin », aucune molécule endogène ne permettant l’ouverture de son canal ionique.
Dans cette étude, les chercheurs ont étudié le rôle de GluD1 dans la neurotransmission glutamatergique sur les neurones dopaminergiques (DA) du cerveau. Ils ont découvert le mode d’activation original de GluD1 : il répond indirectement glutamate, via l’activation en amont de récepteurs métabotropes mGlu 1/5 exprimés par les neurones DA. Ainsi, l’activation de mGlu 1/5 déclenche une excitation des neurones DA, supprimée par une mutation qui bloque le canal ionique de GluD1, ou par délétion du gène Grid1.
L’activité des neurones dopaminergiques in vivo présente deux profils distincts : soit une activité électrique régulière à basse fréquence, soit des bouffées d’activité électrique à haute fréquence. Ce second mode de fonctionnement est associé à un pic de libération de dopamine dans le cerveau. Des enregistrements in vivo ont révélé que les souris dont le récepteur GluD1 est muté ou absent ne présentent plus d’activité haute fréquence, démontrant la relation entre GluD1 et l’activité physiologique des neurones DA.
Ces travaux fournissent des éléments permettant de réconcilier les hypothèses dopaminergique et glutamatergique de la schizophrénie en révélant une interconnexion entre les deux types de neurotransmissions au sein même des neurones DA. En montrant que l’inactivation génétique de GluD1 abolit l’activité haute fréquence des neurones DA, ces travaux expliquent comment une altération du gène Grid1 impliqué dans la transmission glutamatergique peut mener à un dysfonctionnement du système dopaminergique. Autre résultat important : en identifiant un mode d’activation physiologique de GluD1, cette étude lève l’état « orphelin » de ce récepteur.
Références :
Benamer N, Marti F, Lujan R, Hepp R, Aubier TG, Dupin AAM, Frébourg G, Pons S, Maskos U, Faure P, Hay YA, Lambolez B, Tricoire L. GluD1, linked to schizophrenia, controls the burst firing of dopamine neurons. Mol Psychiatry. 2017 Jul 11. doi: 10.1038/mp.2017.137.
Contact chercheurs:
Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06 UM119, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) UMR8246, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) UMR-S1130, Neuroscience Paris Seine, Institut de Biologie Paris-Seine, Paris, France