Nicotine et adolescence : un déséquilibre cérébral qui prédispose à la dépendance par Jérémie Naudé 13.12.2024 à 10h18
Les mécanismes par lesquels la consommation de nicotine à l’adolescence augmente le risque de dépendance à l’âge adulte demeurent mystérieux. Une étude récente pilotée par Lauren Reynolds et Philippe Faure, révèle que chez la souris, l’exposition à la nicotine pendant cette période critique perturbe durablement les circuits dopaminergiques en développement, favorisant ainsi un état de vulnérabilité prolongé.
Les chercheurs ont d’abord constaté que les souris adolescentes avaient une sensibilité accrue aux effets gratifiants de la nicotine, tant au niveau physiologique que comportemental. Les chercheurs ont ensuite montré que des souris exposées à la nicotine au début de leur adolescence manifestaient, une fois adultes, des comportements et des réponses physiologiques similaires à ceux observés chez les jeunes souris adolescentes.
Les chercheurs ont établi que ce phénomène était lié à une perturbation des circuits synthétisant la dopamine, en fonction de leurs projections vers le striatum ou l’amygdale. Ces résultats suggèrent que l’exposition à la nicotine pendant cette période de développement critique déséquilibre durablement les circuits dopaminergiques, maintenant ainsi les individus dans un état cérébral immature, et les rendant plus susceptibles de développer une dépendance à l’âge adulte. En rétablissant l’équilibre de cette activité neuronale dopaminergique, les chercheurs ont pu rétablir un comportement normal chez les souris adultes qui avaient été exposées à la nicotine durant leur adolescence.
Figure : Les souris adolescentes montrent une sensibilité accrue aux effets gratifiants de la nicotine, tandis que les effets émotionnels négatifs sont moins prononcés. Les neurones dopaminergiques projetant vers le noyau accumbens, une région clé dans la régulation de la récompense et de la motivation, affichent une réponse amplifiée à la nicotine chez les adolescents par rapport aux adultes. En revanche, les neurones projetant vers l’amygdale (en bleu), impliqués dans la gestion des émotions et de la peur, ne subissent pas de modification notable. L’exposition à la nicotine à l’adolescence maintient ce déséquilibre neuronal chez les adultes, prolongeant ainsi l’état de vulnérabilité à la dépendance. © Lauren Reynolds
Référence
Transient nicotine exposure in early adolescent male mice freezes their dopamine circuits in an immature state
https://doi.org/10.1038/s41467-024-53327-w
Lauren M. Reynolds, Aylin Gulmez, Sophie L. Fayad, Renan Costa Campos, Daiana Rigoni, Claire Nguyen, Tinaïg Le Borgne, Thomas Topilko, Domitille Rajot, Clara Franco, Sebastian P. Fernandez, Fabio Marti, Nicolas Heck, Alexandre Mourot, Nicolas Renier, Jacques Barik, and Philippe Faure
© Philippe Faure et Lauren Reynolds | phfaure@gmail.com | laurenreynoldsm@gmail.com | Laboratoire Plasticité du Cerveau, ESPCI – CNRS UMR 8249