Le contact tactile favorise les interactions sociales via l’ocytocine

Une étude internationale vient de démontrer pour la première fois que par quel biais l’ocytocine, neuropeptide synthétisé au sein de l’hypothalamus, facilite les interactions sociales : un contact physique active des neurones parvocellulaires de l’hypothalamus, qui coordonnent la sécrétion d’ocytocine pour promouvoir les comportements prosociaux. Ces importants résultats sont détaillés dans un article publié dans la revue Nature Neuroscience.

De la plus douce caresse au coup le plus violent, le toucher est au cœur de notre expérience sensorielle et façonne notre manière de percevoir le monde, particulièrement lors d’interactions intimes avec d’autres êtres humains. Pourtant, bien que le sens du toucher soit au centre de notre perception, cette modalité a toujours été éclipsée par la vision ou l’audition dans la philosophie, la recherche scientifique et la psychologie. Au cours de l’évolution, les vertébrés ont développé une pléthore de systèmes sensoriels sophistiqués, qui représentent un avantage évolutif certain et impliquent la capacité de discriminer les différentes formes de contacts selon qu’ils soient nociceptifs ou non, désagréables ou agréables. Le contact social est un prérequis pour l’intimité, d’une importance primordiale pour la formation de relations de confiance, et ainsi, plusieurs formes de touchers, de toilettages et de caresses ont pu être observés chez les rongeurs, les félins ou encore les primates.

L’établissement et la maintenance de hiérarchies sociales sont modulés par diverses molécules dans le cerveau. Durant la dernière décennie, l’une d’entre elle a émergé comme actrice majeure : le neuropeptide ocytocine. L’ocytocine, en plus de permettre l’accouchement et la lactation, modifie le fonctionnement du cerveau pour réguler les émotions, les relations sexuelles ainsi que l’attachement amoureux ou les comportements parentaux. Cependant, les aspects mécanistiques par lesquels l’ocytocine favorise ces comportements prosociaux, et ce qui déclenche la libération de ce neuropeptide sont encore des questions en suspens.

Dans une récente étude, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Neuroscience (Tang et al., 2020), l’équipe internationale animée et coordonnée par les Drs. Alexandre Charlet (France) et Valery Grinevich (Allemagne) révèle qu’une petite population de neurones à ocytocine, dénommée parvocellulaires, du fait de leur petite taille, sont responsables de la traduction des signaux sensoriels physiques en diverses formes de comportements sociaux.

Pour ce faire, ils ont enregistré les neurones synthétisant l’ocytocine chez des rats femelles se déplaçant librement et interagissant avec une congénère. Leurs analyses montrent que les neurones à ocytocines sont particulièrement actifs lors d’un contact tactile entre deux animaux. Les auteurs ont utilisé de nombreuses techniques complémentaires, de l’imagerie calcique à l’évaluation comportementale, en passant par la manipulation optogénétique de neurones spécifiques, pour montrer que l’activation de ces neurones induit l’excitation d’une population de neurones ocytocinergiques bien plus grande, ce qui favorise alors l’interaction entre femelles. Ces découvertes fournissent des notions fondamentalement nouvelles sur la manière dont ce neuropeptide orchestre les comportements sociaux. De plus, les résultats obtenus dans ce travail supportent une vision de l’ocytocine comme un puissant agent pour traiter certains troubles psychiatriques : une combinaison de stimulus tactiles (par exemple un massage) et une administration d’ocytocine intra nasale pourraient atténuer les altérations socio-émotionnelles chez les patients atteints de maladies mentales, comme l’autisme ou bien le trouble de stress posttraumatique.

Pour en savoir plus :
Tang Y*, Benusiglio D*, Lefevre A*, Hilfiger L*, Althammer F, Bludau A, Hagiwara D, Baudon A, Darbon P, Schimmer J, Kirchner MK, Roy RK, Wang S, Eliava M, Wagner S, Oberhuber M, Conzelmann KK, Schwarz M, Stern JE, Leng G, Neumann ID, Charlet A#, Grinevich V#. Social touch promotes interfemale communication via activation of parvocellular oxytocin neurons. Nat Neurosci. 2020 Jul 27. doi: 10.1038/s41593-020-0674-y.
#Corresponding and Co-senior authors; *Co-first authors.

 

Contact chercheur :

Alexandre Charlet, CRCN CNRS,
Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, CNRS UPR3212, Strasbourg

© Illustration A. Charlet & V. Grinevich

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