Tau et dégénérescences neurofibrillaires: toxiques OR NOT toxiques ? par Contributeur 23.01.2018 à 01h40
Les tauopathies constituent un groupe de maladies neurodégénératives caractérisées par l’hyperphosphorylation de la protéine Tau et son accumulation sous forme d’agrégats présents dans plusieurs types cellulaires. Parmi les différent types d’agrégats intracellulaires de Tau contenus dans les neurones, les dégénérescences neurofibrillaires (DNF) sont caractéristiques des lésions retrouvées chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer (MA) et d’autres tauopathies pures telles que certaines démences fronto-temporales.
Parce que le nombre de DNF chez les patients corrèle fortement avec la mort neuronale et le déclin cognitif, on a longtemps pensé que ces formes très agrégées de Tau étaient à l’origine de la neurodégénérescence. Pourtant, mort neuronale et DNF n’apparaissent pas dans les mêmes zones du cerveau chez les patients souffrant de la MA. De plus, des études électrophysiologiques ont montré que les neurones porteurs de DNF dans des modèles de souris transgéniques fonctionnent encore en réseau et survivent à l’agrégation de Tau. Ainsi, l’hypothèse que des formes oligomériques solubles de Tau ayant un état d’agrégation intermédiaire pourraient être davantage toxiques que les DNF a été émise.
Pour élucider la toxicité des DNF in vivo, nous avons généré un modèle de tauopathie, appelé modèle « pro-agrégation » chez le rat qui génère un grand nombre de DNF dans l’hippocampe. Ce modèle est basé sur l’expression simultanée de la protéine Tau humaine sauvage et d’un peptide pro-agrégation via l’utilisation de vecteurs adéno-associés (AAV). Il est caractérisé par une forte hyperphosphorylation pathologique de la protéine Tau, la localisation aberrante de la protéine dans le soma et les dendrites neuronaux et la présence de nombreuses DNF argyrophylles dès un mois après l’injection du vecteur AAV, similaires aux lésions retrouvées chez les patients. En comptant le nombre de neurones CA1 de l’hippocampe, nous avons montré que la présence de DNF ne provoque pas de mort neuronale au moins jusqu’à 3 mois après injection. A l’inverse, la surexpression de la protéine Tau humaine sauvage seule provoque une mort neuronale importante de ces mêmes neurones, ainsi qu’une forte hyperphosphorylation de Tau mais cette fois, en l’absence totale de DNF.
In vivo les agrégats matures de Tau sembleraient donc être inoffensifs pour les neurones, au moins dans un premier temps, alors que les formes solubles, sans doute oligomériques, seraient les plus toxiques. Par ailleurs, l’étude montre que le nombre de DNF reflète de manière imparfaite la sévérité de la pathologie alors que l’hyperphosphorylation de Tau sur l’épitope reconnu par l’anticorps AT8 serait un bien meilleur index de neurodégénérescence. Une implication importante de cette étude est qu’il semblerait plus approprié de développer des traceurs d’imagerie et des agents thérapeutiques capables de cibler spécifiquement ces formes solubles de Tau plutôt que les DNF.
Référence:
Potentiating tangle formation reduces acute toxicity of soluble tau species in the rat. d’Orange M, Aurégan G, Cheramy D, Gaudin-Guérif M, Lieger S, Guillermier M, Stimmer L, Joséphine C, Hérard AS, Gaillard MC, Petit F, Kiessling MC, Schmitz C, Colin M, Buée L, Panayi F, Diguet E, Brouillet E, Hantraye P, Bemelmans AP, Cambon K. Brain. 2017 Dec 14. doi: 10.1093/brain/awx342
Contact chercheuse:
Karine Cambon
CEA, DRF, Institut François Jacob, Molecular Imaging Research Center (MIRCen), F-92265 Fontenay-aux-Roses, France.
CNRS, CEA, Paris-Sud Univ., Univ. Paris-Saclay, Neurodegenerative Diseases Laboratory (UMR9199), F-92265, Fontenay-aux-Roses, France.
karine.cambon@cea.fr